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| 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] | |
| | Auteur | Message |
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Stans Fondateur
Nombre de messages : 16069 Age : 72 Localisation : Bruxelles - Département de la Dyle Langue : français Emploi/loisirs : histoire, politique Date d'inscription : 10/03/2006
| Sujet: 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] Ven 09 Juin 2006, 11:24 am | |
| Source : http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliotexte/html/algerie.independance.html - Citation :
- Textes sur la Guerre d'Algérie (1954-1962)
Entre [...] = indications hors texte
Chronologie
1954 01.11. Le C.R.U.A. (Comité révolutionnaire de l'unité algérienne) déclenche la rébellion armée. 05.11. Le gouvernement français envoie des renforts en Algérie.
1955 30.09. L'Assemblée générale de l'ONU vote l'inscrption à l'ordre du jour de l'affaire algérienne. 12.12. Les élections en Algérie sont reportées.
1956 août Les chefs F.L.N. (Front de libération nationale) de l'intérieur se réunissent pour la première fois; c'est le congrès de la Soummam d'où sortira la plate-forme du F.L.N. 29.10. Israël, l'Angleterre et la France déclenchent une opération militaire contre l'Egypte. 15.11. L'ONU inscrit la question algérienne à son ordre du jour. 05.12. Le gouvernement français dissout les conseils généraux et les municipalités en Algérie.
1957 07.01. Le général Massu est chargé du maintien de l'ordre à Alger. 20.09. L'ONU inscrit la question algérienne à son ordre du jour. 29.11. L'Assemblée nationale vote la loi-cadre et la loi électorale de l'Algérie.
1958 26.04. 30 000 Algérois demandent un Gouvernement de salut public après la chute du gouvernement Gaillard. 13.05. Un Comité de salut public est créé à Alger sous la présidence du général Massu; on fait appel à de Gaulle. 15.05. De Gaulle se déclare prêt à assumer les pouvoirs de la République. 01.06. L'Assemblée nationale investit de Gaulle par 339 voix contre 224. 28.09. La nouvelle Constitution est approuvée par référendum (79 % de oui en métropole, 95 % en Algérie). 23.10. De Gaulle propose au F.L.N. la paix des braves. 21.12. De Gaulle est élu président de la République.
1959 30.01. De Gaulle renouvelle l'offre de paix en Algérie. 16.09. De Gaulle proclame le droit des Algériens l'autodétermination.
1960 24.01. Début de la semaine des barricades à Alger. 25.06. Pourparlers préliminaires de Melun.
1961 08.01. La politique algérienne du général est approuvée par référendum (75 % de oui). 25.04. Putsch des généraux à Alger; de Gaulle assume les pleins pouvoirs aux termes de l'article 16 de la Constitution. 20.05. Ouverture des pourparlers d'Evian. 14.07. Recrudescence des attentats de l'O.A.S. (Organisation Armée Secrète).
1962 18.02. Pourparlers des Rousses. 07.03. Négociations d'Evian. 19.03. Cessez-le-feu en Algérie. 08.04. Référendum à propos de l'Algérie (90,7 % des voix approuvent les accords d'Evian). 01.07. Référendum d'autodétermination en Algérie ; l'indépendance est approuvée par 99,72 des voix. 03.07. Le G.P.R.A. (Gouvernement provisoire de la République d'Algérie) s'installe à Alger.
ALBERT CAMUS DEFEND LES FRANÇAIS D'ALGERIE
« Entre la métropole et les Français d'Algérie, le fossé n'a jamais été plus grand. Pour parler d'abord de la métropole, tout se passe comme si le juste procès, fait enfin chez nous à la politique de colonisation, avait été étendu à tous les Français qui vivent là-bas. A lire une certaine presse, il semblerait vraiment que l'Algérie soit peuplée d'un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac. (...)
80% des Français d'Algérie ne sont pas des colons, mais des salariés ou des commerçants. Le niveau de vie des salariés, bien que supérieur à celui des Arabes, est inférieur à celui de la métropole. Deux exemples le montreront. Le SMIG est fixé à un taux nettement plus bas que celui des zones les plus défavorisées de la métropole. De plus, en matière d'avantages sociaux, un père de famille de trois enfants perçoit à peu près 7200 francs contre 19000 en France. Voici les profiteurs de la colonisation. (...)
Les gouvernements successifs de la métropole, appuyés sur la confortable indifférence de la presse et de l'opinion publique, secondés par la complaisance des législateurs, sont les premiers et les vrais responsables du désastre actuel. Ils sont plus coupables en tout cas que ces centaines de milliers de travailleurs français qui se survivent en Algérie avec des salaires de misère, qui, trois fois en trente ans, ont pris les armes pour venir au secours de la métropole et qui se voient récompensés aujourd'hui par le mépris des secourus. Ils sont plus coupables que ces populations juives, coincées depuis des années entre l'antisémitisme français et la méfiance arabe, et réduites aujourd'hui, par l'indifférence de notre opinion, à demander refuge à un autre Etat que le français.
Reconnaissons donc une bonne fois que la faute est ici collective. (...) Une grande, une éclatante réparation doit être faite, selon moi, au peuple arabe. Mais par la France toute entière et non avec le sang des Français d'Algérie. Qu'on le dise hautement, et ceux-ci, je le sais, ne refuseront pas de collaborer, par-dessus leurs préjugés, à la construction d'une Algérie nouvelle. »
Albert Camus, « La bonne conscience », in L'Express, 21 octobre 1955.
Autour de la guerre d'Algérie : 1954 - 1962. Quatre discours parlementaires
Sous la IVe République
1 - M. Pierre Mendès France, Président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, le 12 novembre 1954 devant l'Assemblée nationale.
"Il y a quelques semaines à peine, je m'étais fait votre interprète, l'interprète de l'émotion ressentie par tous les Français devant la catastrophe qui, dans la région d'Orléansville, venait d'endeuiller l'Algérie (1). J'avais alors affirmé la solidarité de la nation entière avec les populations éprouvées. L'Algérie, hélas ! vient d'être frappée à nouveau, et cette fois la violence provient de la volonté criminelle de quelques hommes, mais elle n'est pas moins cruelle, inutile et aveugle. A nouveau la nation doit s'affirmer unie et solidaire devant le malheur, devant les forces de destruction.
Vous pouvez être certains, en tout cas, qu'il n'y aura, de la part du Gouvernement, ni hésitation, ni atermoiement, ni demi-mesure dans les dispositions qu'il prendra pour assurer la sécurité et le respect de la loi. Il n'y aura aucun ménagement contre la sédition, aucun compromis avec elle, chacun ici et là-bas doit le savoir.
On ne transige pas lorsqu'il s'agit de défendre la paix intérieure de la nation, l'unité, l'intégrité de la République. Les départements d'Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d'une manière irrévocable. Leurs populations qui jouissent de la citoyenneté française et sont représentées au Parlement, ont d'ailleurs donné, dans la paix comme autrefois dans la guerre, sans distinction d'origine ou de religion, assez de preuves de leur attachement à la France pour que la France à son tour ne laisse pas mettre en cause cette unité. Entre elles et la métropole il n'y a pas de sécession concevable.
Cela doit être clair une fois pour toutes et pour toujours aussi bien en Algérie et dans la métropole qu'à l'étranger. (Applaudissements à gauche, au centre, à droite et à l'extrême droite.)
Jamais la France, aucun Gouvernement, aucun Parlement français, quelles qu'en soient d'ailleurs les tendances particulières, ne cédera sur ce principe fondamental."
(1) II s'agit d'un tremblement de terre.
2 - "M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Intérieur. M. François Mitterrand, ministre de l'Intérieur." ( 12 novembre 1954, même séance)
"Mesdames, messieurs, je pense que l'Assemblée nationale, à la fin de ce débat, voudrait connaître le plus exactement possible le déroulement des faits dont nous parlons. C'est ainsi que, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, des attaques à main armée, des attentats à la bombe, des sabotages de lignes et de voies de communication, des incendies enfin ont eu lieu sur l'ensemble du territoire algérien, de Constantine à Alger et d'Alger à Oran.
Dans le département de Constantine, vous le savez, se produisirent les événements les plus graves. Là, cinq personnes furent tuées : un officier, deux soldats qui remplissaient leur devoir, un caïd et un instituteur, dans les conditions qui furent rappelées à cette tribune et dont personne ne dira suffisamment le caractère symbolique. De jeunes instituteurs sont venus accomplir - et c'était le premier jour - la tâche qu'ils avaient choisie. Et voilà qu'ils sont frappés. Sauront-ils pourquoi ? Sans doute non, les choses sont vite faites. Assassinés, ils ont quand même le temps d'apercevoir le frère musulman qui tente de les défendre et qui meurt le premier.
Je prétends qu'actuellement certains doivent cruellement méditer sur le déclenchement hâtif de l'émeute, qui les a précipités dans une aventure qui les conduira à leur perte. Voilà donc qu'un peu partout, d'un seul coup, se répand le bruit que l'Algérie est à feu et à sang. | |
| | | Stans Fondateur
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| Sujet: Re: 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] Ven 09 Juin 2006, 11:26 am | |
| - Citation :
- Discours du général de Gaulle (4 juin 1958)
Dès son arrivée au pouvoir, de Gaulle se rend en Algérie et prononce à Alger un discours qui rassure les partisans de l'Algérie française.
"Je vous ai compris" !
Je sais ce qui s'est passé ici. Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c'est celle de la rénovation et de la fraternité.
Je dis la rénovation à tous égards. Mais très justement vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c'est-à-dire par nos institutions, et c'est pourquoi me voilà. Et je dis la fraternité parce que vous offrez ce spectacle magnifique d'hommes qui, d'un bout à l'autre, quelles que soient leurs communautés, communient dans la même ardeur et se tiennent par la main.
Eh bien ! de tout cela je prends acte au nom de la France et je déclare qu'à partir d'aujourd'hui la France considère que, dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants : il n'y a que des Français à part entière -- des Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Cela signifie qu'il faut ouvrir des voies qui, jusqu'à présent, étaient fermées devant beaucoup.
Cela signifie qu'il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas.
Cela signifie qu'il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait.
Cela veut dire qu'il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d'en avoir une.
L'armée, l'armée française, cohérente, ardente, disciplinée, sous les ordres de ses chefs, l'armée éprouvée en tant de circonstances et qui n'en a pas moins accompli ici une oeuvre magnifique de compréhension et de pacification, l'armée française a été sur cette terre le ferment, le témoin, et elle est le garant, du mouvement qui s'y est développé.
Elle a su endiguer le torrent pour en capter l'énergie. Je lui rends hommage. Je lui exprime ma confiance. Je compte sur elle pour aujourd'hui et pour demain.
Français à part entière, dans un seul et même collège ! Nous allons le montrer, pas plus tard que dans trois mois, dans l'occasion solennelle où tous les Français, y compris les 10 millions de Français d'Algérie, auront à décider de leur propre destin.
Pour ces 10 millions de Français, leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres.
Ils auront à désigner, à élire, je le répète, en un seul collège, leurs représentants pour les pouvoirs publics, comme le feront tous les autres Français.
Avec ces représentants élus, nous verrons comment faire le reste.
Ah ! puisent-ils participer en masse à cette immense démonstration, tous ceux de vos villes, de vos douars, de vos plaines, de vos djebels ! Puissent-ils même y participer ceux qui, par désespoir, ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu'il est courageux -- car le courage ne manque pas sur cette terre d'Algérie --, qu'il est courageux mais qu'il n'en est pas moins cruel et fratricide ! Oui, moi, de Gaulle, à ceux-là, j'ouvre les portes de la réconciliation.
Jamais plus qu'ici et jamais plus que ce soir, je n'ai compris combien c'est beau, combien c'est grand, combien c'est généreux la France !
Vive la République ! Vive la France ! "
(Discours et messages, t. III, Avec le renouveau, mai 1958-juillet 1962 , pp. 15-17) Cité dans Les collections de L'Histoire No 1, 1998 (Hors série No 1 de L'Histoire ) p.36.
Discours du général de Gaulle (23 avril 1961)
Le lendemain du coup de force du 22 avril, à Alger, par lequel les généraux Salan, Jouhaud, Zeller et Challe tentent de mettre fin à la poilitique d'autodétermination, le général de Gaulle décide d'assumer des pouvoirs exceptionnels et en informe la nation.
"Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamento militaire.
Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une partie de la population de souche européenne qu'égarent les craintes et les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire.
Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite (1) . Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques (2) . Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national.
Car l'immense effort de redressement de la France, entamé depuis le fond de l'abîme, le 18 juin 1940, mené ensuite jusqu'à ce qu'en dépit de tout la victoire fût remportée, l'indépendance assurée, la République restaurée ; repris depuis trois ans, afin de refaire l'Etat, de maintenir l'unité nationale, de reconstituer notre puissance, de rétablir notre rang au-dehors, de poursuivre notre oeuvre outre-mer à travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d'être rendu vain, à la veille même de la réussite, par l'aventure odieuse et stupide des insurgés en Algérie. Voici l'Etat bafoué, la nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis. Et par qui ? Hélas ! hélas ! par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être, de servir et d'obéir.
Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français et, d'abord, à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres. L'argument suivant lequel il pourrait être localement nécessaire d'accepter leur commandement sous prétexte d'obligations opérationnelles ou administratives ne saurait tromper personne. Les seuls chefs, civils et militaires, qui aient le droit d'assumer les responsabilités sont ceux qui ont été régulièrement nommés pour cela et que, précisément, les insurgés empêchent de le faire. L'avenir des usurpateurs ne doit être que celui que leur destine la rigueur des lois.
Devant le malheur qui plane sur la patrie et la menace qui pèse sur la République, ayant pris l'avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du Président du Sénat, du Président de l'Assemblée nationale, j'ai décidé de mettre en oeuvre l'article 16 de notre Constitution. A partir d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin directement, les mesures qui me paraîtront exigées par les circonstances. Par là même, je m'affirme, pour aujourd'hui et pour demain, en la légitimité française et républicaine que la nation m'a conférée, que je maintiendrai, quoi qu'il arrive, jusqu'au terme de mon mandat ou jusqu'à ce que me manquent, soit les forces, soit la vie, et dont je prendrai les moyens d'assurer qu'elle demeure après moi.
Françaises, Français ! Voyez où risque d'aller la France, par rapport à ce qu'elle était en train de redevenir.
Françaises, Français ! Aidez-moi ! "
1) Quatre généraux (Challe, Salan, Zeller, Jouhaud) prétendent constituer le Haut commandement d'Alger 2) Les colonels Argoud, Godart et Lacheroy
(Discours et messages, t. III, Avec le renouveau, mai 1958-juillet 1962 , pp. 306-308) Cité dans Les collections de L'Histoire No 1, 1998 (Hors série No 1 de L'Histoire ) p.38.
La victoire militaire en Algérie
"Au printemps 60 il n'y a plus de katibas (1) , le diagramme de la formation d'une armée révolutionnaire a été coupé. Après être passée par un maximum, la courbe des armes et des effectifs groupés diminue très vite. Sauf dans les Aurès, il n'y a plus partout que des embryons de sections, occupés surtout à échapper à nos troupes.
Le quadrillage, trop statique auparavant, a pu se démultiplier et ses éléments dynamiques peuvent faire la course au rebelle avec des unités de plus en plus petites.
Le rebelle n'est plus le roi du djebel; il est traqué. Alors par tout petits groupes, il se réfugie de plus en plus dans le terrorisme. La phase militaire de la rébellion est terminée à l'intérieur de l'Algérie par la défaite du fellagha.
Cependant en Tunisie et au Maroc, les effectifs rebelles se sont groupés et organisés. Mais leurs tentatives sur les barrages se soldent par des échecs.
(...) le G.P.R.A. (2) ne se fait plus aucune illusion sur ses possibilités de victoire militaire et compte maintenant sur son action diplomatique dans le monde, action bien plus vigoureuse que celle de la diplomatie française, désuète et inefficace.
Au fur et à mesure que nos troupes remportent des succès sur la rébellion interne, jusqu'à la faire disparaître presque complètement, notre situation psychologique internationale se dégrade et le gouvernement français multiplie des concessions qui ne satisfont personne. La politique impérialiste des Soviets est évidente. Mais la politique américaine n'en est pas moins agressive à notre égard. Nous assistons à un phénomène ahurissant d'autodestruction de l'Occident par lui-même.
(...) On l'a vu depuis plusieurs années. C'est en partie l'Occident qui a obligé les Hollandais à abandonner les Indes néerlandaises à la dictature, les Belges à se retirer précipitamment du Congo en y laissant le chaos; c'est lui qui se réjouit des difficultés du Portugal en Angola, des Sud-Africains sur leur territoire ou des Français en Algérie et au Sahara.
(...) On allait assister à cette chose inouïe : un gouvernement dont l'armée était victorieuse allait faire cadeau de cette victoire à son adversaire. Cela ne s'était pas produit en France depuis la rétrocession gratuite par Louis IX à l'Angleterre de l'Aunis, du Poitou et de la Saintonge. (...)
Le cadeau fait à un G.P.R.A. qui ne représente qu'une fiction, qui est organisé suivant une structure totalitaire, qui est anti-occidental et antichrétien, dépasse les limites de l'entendement (...)."
1) Equivalent d'une compagnie. 2) Gouvernement provisoire de la République d'Algérie
Général Maurice Challe, Notre révolte , pp. 41-43, 48 | |
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| Sujet: Re: 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] Ven 09 Juin 2006, 11:28 am | |
| - Citation :
- Accords d'Évian
Le général de Gaulle qui a mis à profit les événements d'Alger pour revenir au pouvoir en France reprend en main l'armée, puis prépare lentement l'opinion à des négociations avec le F.L.N. Celles-ci s'engagent en 1960 et, malgré la résistance désespérée des partisans de l' " Algérie française " regroupés dans l'Organisation de l'Armée Secrète (O.A.S.), elles aboutissent en mars 1962 aux accords d'Évian :
"1 - L'Etat algérien exercera sa souveraineté pleine et entière à l'intérieur et à l'extérieur.
Cette souveraineté s'exercera dans tous les domaines, notamment la défense nationale et les affaires étrangères. L'État algérien se donnera librement ses propres institutions et choisira le régime politique et social qu'il jugera le plus conforme à ses intérêts. Sur le plan international, il définira et appliquera en toute souveraineté la politique de son choix (...)
L'État algérien souscrira sans réserve à la Déclaration universelle des droits de l'homme et fondera ses institutions sur les principes démocratiques et sur l'égalité des droits politiques entre tous les citoyens sans discrimination de race, d'origine ou de religion. Il appliquera, notamment, les garanties reconnues aux citoyens de statut civil français.
2 - Des droits et libertés des personnes et de leurs garanties.
Dispositions communes : nul ne pourra faire l'objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d'une discrimination quelconque en raison d'opinions émises à l'occasion des événements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d'autodétermination ; d'actes commis à l'occasion des mêmes événements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu. Aucun Algérien ne pourra être contraint de quitter le territoire algérien, ni empêché d'en sortir.
Dispositions concernant les citoyens français de statut civil de droit commun : dans le cadre de la législation algérienne sur la nationalité, la situation légale des citoyens français de statut civil de droit commun est réglée selon les principes suivants. Pour une période de trois années à dater du jour de l'autodétermination, les citoyens français de statut civil de droit commun : nés en Algérie et justifiant de dix années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l'autodétermination : ou justifiant de dix années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l'autodétermination et dont le père ou la mère né en Algérie remplit, ou aurait pu remplir, les conditions pour exercer les droits civiques; ou justifiant de vingt années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l'autodétermination, bénéficieront, de plein droit, des droits civiques algériens et seront considérés, de ce fait, comme des nationaux français exerçant les droits civiques algériens (...)
Au terme du délai de trois années susvisé, ils acquièrent la nationalité algérienne par une demande d'inscrption ou de confirmation de leur inscrption sur les listes électorales ; à défaut de cette demande, ils sont admis au bénéfice de la convention d'établissement (...)
3 - De la coopération entre la France et l'Algérie.
Les relations entre les deux pays seront fondées, dans le respect mutuel de leur indépendance, sur la réciprocité des avantages et l'intérêt des deux parties.
L'Algérie garantit les intérêts de la France et les droits acquis des personnes physiques et morales dans les conditions fixées par les présentes déclarations. En contrepartie, la France accordera à l'Algérie son assistance technique et culturelle et apportera à son développement économique et social une aide financière privilégiée."
Extrait de Jacques Dalloz, "Textes sur la décolonisation", PUF, Paris, 1989
Victoire contre l'impérialisme...
"Pendant sept ans et demi d'une guerre cruelle le peuple algérien a tenu tête à l'une des plus fortes puissances coloniales du siècle: plus d'un million de soldats français ont été mobilisés à cet effet avec tout leur armement moderne: aviation, artillerie, blindés, marine.
La France est arrivée à dépenser jusqu'à trois milliards de francs par jour. Elle a bénéficié de l'appui massif de l'OTAN dans tous les domaines: militaire, financier, diplomatique, moral.
Elle a tenté avec l'aide d'une grande partie du peuplement européen en Algérie, de lutter désespérément pour le maintien de l'Algérie française .
Face à cette puissance qu'avait à opposer le Peuple algérien ?
D'abord sa foi en la justesse de sa cause, la confiance en lui-même et en ses destinées et la volonté inébranlable de briser les chaînes du colonialisme; ensuite, et surtout, son unanimité dans la lutte. Les Algériens - hommes et femmes, jeunes et vieux, d'Alger à Tamanrasset et de Tebessa à Mamia - se sont dressés dans leur totalité dans la guerre de libération. Ni les tentatives de division, ni la présence de contre-révolutionnaires et de provocateurs dans leurs rangs n'ont pu altérer leur foi et leur unité. Les Algériens se sont sentis comme les organes d'un même corps dans cette lutte gigantesque. Le F.L.N. et l'A.L.N. ont été des instruments de combat efficaces au service du Peuple, et par leur action continue ont porté des coups sérieux au colonialisme.
La Révolution algérienne a forcé l'admiration de tous. Elle jouit actuellement d'un prestige universel qui lui vaut de nombreux appuis.
A nos frères Maghrébins et Arabes, au pays socialistes, aux peuples du tiers monde, aux démocrates de France et d'Europe qui nous ont aidés, nous devons aujourd'hui d'exprimer notre reconnaissance pour leur soutien et leur solidarité.
Cette lutte a été d'un précieux enseignement pour les peuples subjugués encore par l'impérialisme. Elle a détruit le mythe de l'invincibilité de l'impérialisme. Tout en conduisant à la libération de l'Afrique, elle a démontré qu'un peuple aussi petit soit-il, et avec des moyens réduits, peut tenir tête à un impérialisme même très puissant et arracher sa liberté."
Extraits de l' Appel au peuple algérien par le président du GPRA, Benkhedda, in "Le Moujahid" , édition spéciale du 19 mars 1962
Réconciliation impossible ?
De même que le Maroc et la Tunisie ont connu ce phénomène du terrorisme individuel dans les villes et dans les campagnes, faut-il que l'Algérie ferme la boucle de cette ceinture du monde en révolte depuis quinze ans contre les nations qui prétendaient les tenir en tutelle ?
Eh bien ! non, cela ne sera pas, parce qu'il se trouve que l'Algérie, c'est la France, parce qu'il se trouve que les départements de l'Algérie sont des départements de la République française. Des Flandres jusqu'au Congo, s'il y a quelque différence dans l'application de nos lois, partout la loi s'impose et cette loi est la loi française ; c'est celle que vous votez parce qu'il n'y a qu'un seul Parlement et qu'une seule nation dans les territoires d'outre-mer comme dans les départements d'Algérie comme dans la métropole.
Telle est notre règle, non seulement parce que la Constitution nous l'impose, mais parce que cela est conforme à nos volontés.
Personne ici n'a le droit de dire que le Gouvernement de la République a pu hésiter un seul instant sur son devoir car l'action qu'il a menée correspond à l'essentiel même de sa politique.
M. le Président du Conseil l'a déclaré cet après-midi : comment pourrait-on expliquer, autrement qu'avec beaucoup de vilenie, le règlement des affaires françaises que nous avons été contraints de conclure en Asie si l'on n'admettait pas que nous avons agi alors conformément aux principes que nous avons les uns et les autres définis, écrits et proclamés, afin de préserver le domaine français, ce domaine qui s'étend fondamentalement - je viens de le dire - des Flandres au Congo ?
C'est là notre vérité, l'axe de notre politique. C'est pourquoi il n'est certes pas contradictoire qu'on traite, lorsque cela paraît nécessaire, à Genève, et qu'on se batte parce que cela est également nécessaire dans l'Aurès ou en tout lieu où on tentera d'abattre, de détruire, de s'attaquer à l'unité de la patrie.
Les mesures que nous avons prises ont été immédiates. On me permettra, je suppose, de ne pas les énumérer. Mais, je ne vois vraiment aucun inconvénient à indiquer à l'Assemblée nationale, comme je l'ai fait à la commission de l'intérieur, qu'en l'espace de trois jours, seize compagnies républicaines de sécurité ont été transportées en Algérie, ce qui a porté à vingt le nombre total de ces compagnies sur le territoire algérien.
En trois jours tout a été mis en place. On a dit : Est-ce pour maintenir l'ordre? Non pas seulement. Mais pour affirmer la force française et marquer notre volonté. Il ne s'agissait pas seulement de réprimer, de passer à la contre-offensive de caractère militaire afin de reconquérir un territoire qui n'était point perdu ! Il s'agissait d'affirmer, à l'intention des populations qui pouvaient s'inquiéter, qu'à tout moment, à chaque instant, elles seraient défendues." | |
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| Sujet: Re: 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] Ven 09 Juin 2006, 11:29 am | |
| - Citation :
- Sous la Ve République
3 - M. Michel Debré, Premier ministre du Général De Gaulle présente le programme du Gouvernement à l'Assemblée nationale le 15 janvier 1959
"Dans nos préoccupations nationales, l'Algérie a la priorité absolue.
Des hommes et des femmes y vivent, dont les pères ont fait l'Algérie, et qui continuent à la faire chaque jour. La France y a groupé autour de son drapeau, et par ses hautes conceptions politiques, des Européens et des Africains, les uns et les autres citoyens comme nous-mêmes. Nos concitoyens musulmans sont, comme les descendants de ceux qui ont traversé la Méditerranée, des hommes et des femmes dans le regard desquels nous voyons l'image d'une commune espérance.
Il est des esprits qui pèsent avant toute chose le doit et l'avoir, les profits et les charges : disons hautement, à l'honneur de notre peuple, et spécialement à l'honneur des officiers et des soldats, que nous mettons avant toute chose cet élan des sentiments qui unit des millions d'Algériens, de la ville et du bled, dans l'affection spontanée qui crée, au-dessus et par-delà les différences d'origine, de race et de religion, la communauté d'espérance.
Faut-il convaincre les calculateurs ? Montrons-leur le Sahara, ce désert où le coq gaulois s'est longtemps en vain réchauffé les ergots. Que de puissances désormais y viendraient volontiers gratter le sable brûlant ! Acceptons de les associer à une oeuvre immense qui peut ouvrir une ère nouvelle à l'Algérie et à l'Afrique, à la France et à l'Europe.
A ceux que ne contente pas la vision des grandes possibilités économiques et humaines auxquelles nous accédons grâce à l'Algérie, recommandons de réfléchir au problème de notre sécurité. La France est à Alger par une nécessité fondamentale que nos ancêtres ont connue et que nous ne pouvons méconnaître sans trahir. C'est par notre présence indiscutée, notre autorité incontestée, que nous garantissons la sécurité de la Méditerranée occidentale, et, par là, notre sécurité.
Devant les troubles du Moyen-Orient et leurs très fâcheuses conséquences, nous pouvons mesurer la valeur de la tranquillité maintenue dans cette partie plus proche d'une mer dont ce serait une grave faute que d'oublier la capitale importance stratégique. Quelle tragédie ce serait pour nous, pour l'Europe, pour l'Occident, si, tout entière, la Méditerranée redevenait une frontière entre deux mondes hostiles. L'Occident a suffisamment perdu au cours des dernières années ; que les moins imaginatifs veuillent bien, désormais, imaginer où mèneraient de nouveaux abandons. (Applaudissements.)
Osons dire, enfin, au-delà de nos sentiments profonds, au-delà des intérêts économiques et des exigences militaires, que notre siècle remet en lumière la véritable hiérarchie des valeurs politiques. Les États, leurs aspirations, leurs ambitions, leurs méthodes, ne peuvent être appréciés du seul point de vue des résultats. Les succès acquis parle mensonge, le mépris des dignités de l'homme ou de la femme, sont sans doute efficaces : ils mènent de tragédie en tragédie. La légitimité française en Algérie, dépassant le fait que l'Algérie est une création commune à divers éléments mais qui ont été soudés et fondus par l'action de la France, dépassant cet autre fait que, demain, il ne peut y avoir d'enrichissement et d'amélioration sociale que par l'effort de la France, la légitimité française, dis-je, est fondamentalement établie au regard des valeurs éternelles parce qu'elle est la seule qui soit inspirée par la volonté de fraternité humaine."
4 - Message du général de Gaulle au Parlement, Assemblée nationale et Sénat, 20 mars 1962
"Mesdames, Messieurs les députés,
La politique poursuivie par la République depuis tantôt quatre années au sujet de l'Algérie a été, à mesure de son développement, approuvée par le Parlement, soit explicitement, soit du fait de la confiance qu'il n'a cessé d'accorder au gouvernement responsable. Le référendum du 8 janvier 1961 a démontré, quant à la direction ainsi tracée, l'accord massif et solennel du pays.
Mais, voici que la proclamation du cessez-le-feu, les mesures fixées pour l'autodétermination des populations, les conditions adoptées quant à la coopération de l'Algérie et de la France - y compris les garanties assurées à la population de souche française - dans le cas où l'autodétermination instituerait un État algérien indépendant, marquent une étape décisive de cette politique. L'ensemble des dispositions arrêtées en conclusion des négociations d'Evian avec les représentants du FLN (1) et des consultations menées auprès d'autres éléments représentatifs algériens se trouve maintenant formulé dans les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 (2).
Nul ne peut se méprendre sur la vaste portée de cet aboutissement en ce qui concerne, tant la vie nationale de la France, que son oeuvre africaine et son action internationale. Nul ne peut, non plus, méconnaître les difficultés d'application qui en résultent aujourd'hui et risquent d'en résulter demain, non seulement quant à la situation d'un grand nombre de personnes et de beaucoup de choses, mais aussi dans le domaine de l'ordre public et de la sûreté de l'État. Il m'apparaît donc comme nécessaire que la nation elle-même sanctionne une aussi vaste et profonde transformation et confère au chef de l'État et au Gouvernement les moyens de résoudre, dans les moindres délais des problèmes qui seront posés à mesure de l'application.
C'est pourquoi, en vertu de l'article 11 de la Constitution j'ai décidé, sur la proposition du Gouvernement, de soumettre au référendum (3) un projet de loi comportant l'approbation des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 ; autorisant le Président de la République à conclure les actes qui seront à établir au sujet de la coopération de la France et de l'Algérie si l'autodétermination institue un État algérien indépendant et enfin et jusqu'à ce que soient, dans cette éventualité, créés en Algérie des pouvoirs publics algériens, attribuant au Président de la République le pouvoir d'arrêter, par ordonnances ou par décrets pris en conseil des ministres, toutes mesures relatives à l'application de ces mêmes déclarations.
Au moment où semblent s'achever enfin les combats qui se déroulent depuis plus de sept ans et où s'ouvre à la France nouvelle et à l'Algérie nouvelle, la perspective d'une féconde et généreuse coopération, je suis sûr, mesdames, messieurs les députés, que vous voudrez vous joindre à moi pour élever le témoignage de notre confiance et de notre espérance vers la patrie et vers la République. "
(1) Front de libération nationale.
(2) Déclaration rendant compte des accords d'Evian (18 mars 1962) qui reconnaissent l'indépendance de l'Algérie.
(3) Le 8 avril 1962 les accords d'Evian seront approuvés par référendum : les Français répondent oui (90,7 % des suffrages exprimés).
Les 4 discours sont tirés de : "Les grands débats parlementaires de 1875 à nos jours", rassemblés et commentés par Michel Mopin - Notes et études documentaires - La Documentation française - Paris, 1988
"Documents repris de http://www.clionautes.org/clio01/TropesCafe/DebatsParlementairesAlgerie.rtf sur le site des Clionautes sur proposition de Sylviane Tabarly (stabarly@wanadoo.fr)"
"Les signataires d'Evian, les Français en particulier, peuvent-ils assurer que la paix raciale est là, que la vie communautaire juste et équitable va régner par enchantement, que les adversaires d'hier vont, fraternellement, bâtir une Algérie nouvelle ?
La croire et même l'espérer, c'est oublier une réalité vieille de sept ans et cinq mois. D'aucuns diront très antérieure.
Les lointains attentats du 1er novembre 1954 se sont transformés en flots de sang et de haine. L'armée française a laissé derrière elle des centaines de milliers de tués. Le F.L.N. annoncera un million, chiffre probablement peu éloigné de la réalité. Il y eu des représailles aveugles et collectives (...). Chaque famille algérienne compte plusieurs chouhada (1) (...).
Les tortures, les sévices ont été le lot journalier. La bataille d'Alger a été gagnée, si l'on se rappelle les termes de Bigeard, dans la m... et le sang.
Dans les postes, les commissariats, la contrainte a été constamment le moyen de pression pour obtenir des renseignements. Il y a eu des exécutions légales aussi bien en France qu'en Algérie. La justice française n'a pas été tendre. La guillotine a fonctionné. Pendant les quelques mois où François Mitterand a été garde des Sceaux, cinquante-huit terroristes algériens ont été guillotinés. Les corvées de bois ont liquidé les irréductibles, les gêneurs, tous ceux qu'on ne pouvait plus présenter. Les cadavres ont été éparpillés au hasard dans les fonds d'oued et des fourrés avant de devenir la proie des chacals pleurant dans la nuit.
En France même, il y a eu des ratonnades policières. (...) Il y a eu les prisons, les internements, les camps de déportation. Des régions transformées en zones interdites ont été dévastées. Des douars entiers ont vu leurs mechtas brûlées, le bétail abattu, les récoltes abandonnées. Les populations regroupées ont pataugé dans la boue et plié sous la misère.
Les haines de clan ont joué à mort entre Algériens pro-français et anti-français. Le neutralisme n'était pratiquement plus possible. L'engagement pour un camp ou pour l'autre était obligatoire.
(...) Le F.L.N., qui a commencé les assassinats et les massacres, a de son côté autant servi l'horreur. Elle fut sa meilleure alliée. (...) Bombes, attentats se sont succédé. Jeunesse innocente fauchée au Milk Bar ou à l' Otomatic, fermiers assassinés, musulmans francophiles égorgés, la liste est longue de ceux qui ont payé le tribut de leur titre de Français ou de Pro-Français. Qui n'a pas supporté dans sa famille, dans ses biens, dans sa chair même le prix de la rébellion ?
La réponse est sans ambiguïté. Faute de protection, la communauté européenne et ses amis sont condamnés à l'exil ou à la mort. La valise ou le cercueil."
1) Martyrs
Pierre Montagnon, La guerre d'Algérie , pp. 376-377
Le drame algérien
"L'Algérie, pendant l'année dont nous parlons [1961-1962], a été une terre maudite. Tous ceux qui y ont touché se sont sali les mains. Les responsables sont dans tous les camps. Le F.L.N., le pouvoir, les barbouzes, les gendarmes, les autorités civiles : personne ne s'est montré brillant, ni tout à fait honnête. Ce fut une vaste foire d'empoigne, où le plus fort et le plus rusé a gagné. Si elle ne sut pas se montrer unie, l'O.A.S. (1) avait au moins des motifs pour expliquer son action. L'avenir a prouvé que les pieds-noirs avaient quelques raisons de ne pas vouloir l'Algérie algérienne.
S'il fallait choisir l'acteur le moins médiocre de cette tragédie, je désignerais sans hésiter l'armée. L'armée française d'Algérie. Ce fut une très belle armée. Prise entre deux feux, divisée par d'inextricables drames de conscience, placée dans des situations apparemment sans issues, elle fit jusqu'au bout ce que la majorité attendait d'elle. Elle le fit peut-être sans conviction, par discipline et pour se sauver elle-même. Il faut dire que les erreurs de l'O.A.S. l'y ont, sur la fin, beaucoup aidée.
1) Organisation Armée secrète
Robert Buchard, Organisation Armée secrète , Paris, Albin Michel, 1963, T. II, pp. 211-212 | |
| | | Stans Fondateur
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| Sujet: Re: 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] Ven 09 Juin 2006, 11:34 am | |
| Source : http://www.herodote.net/histoire01071.htm LA BATAILLE D'ALGER - Citation :
- 7 janvier 1957 - Début de la bataille d'Alger
Le 7 janvier 1957, le gouvernement français confie les pleins pouvoirs de police sur le Grand Alger (800.000 habitants) au général Jacques Massu, qui commande les 6.000 hommes de la dixième division parachutiste.
Les militaires pris au piège
Deux ans plus tôt, le 20 août 1955, les indépendantistes algériens ont déclenché une insurrection violente dans le Constantinois, notamment à Philippeville.
Massacrant les modérés musulmans et déposant des bombes dans les lieux publics, ils ont entraîné le gouvernement français dans la voie d'une répression non moins violente.
Oubliant le code de l'honneur, les militaires français ont retourné contre l'ennemi les armes qu'ils lui reprochaient avec raison d'utiliser : exécutions arbitraires de suspects, liquidations de prisonniers et de blessés, viols,...
Le 5 février 1956, Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO (Section française de l'Internationale socialiste), prend la tête du gouvernement français. Le portefeuille de la Justice est confié à François Mitterrand (39 ans).
Le nouveau gouvernement entreprend une opération militaire aéroportée au-dessus du canal de Suez avec les Britanniques, pour punir le président égyptien, Gamal Abdel Nasser, d'apporter son soutien au FLN.
En Algérie même, il se heurte à la montée du terrorisme aveugle et des attentats. Il décide de mettre tout en œuvre pour en finir avec ceux-ci. C'est ainsi que Robert Lacoste, ministre résident en Algérie, fait appel aux hommes du général Massu (*).
Torture et déshonneur
À partir du 7 janvier 1957, disposant des pleins pouvoirs de police, les parachutistes traquent les terroristes dans toute l'agglomération algéroise.
Sans s'embarrasser de scrupules ni de juridisme, ils pratiquent la torture pour faire parler les personnes suspectes d'avoir déposé des bombes.
Ces hommes, qui pour beaucoup ont précédemment combattu les Allemands et dénoncé la barbarie nazie, se justifient de leurs actes au nom de la nécessité.
Les débordements deviennent la règle : tortures indignes, exécutions sommaires de suspects, jugements expéditifs par la justice militaire.
La presse ne tarit pas de témoignages qui dénoncent la banalisation de la torture (torture à l'électricité ou «gégène», pendaison par les membres, baignoire,...). L'opinion publique, en métropole comme en Algérie, en est largement informée.
Une commission d'enquête rend un rapport accablant le 21 juillet 1957. Le quotidien Le Monde le publie, ce qui lui vaut d'être saisi.
Peu désireux d'ajouter une guerre civile à la guerre contre le FLN, les responsables politiques et la majorité des citoyens, tant à droite qu'à gauche, préfèrent se taire devant les excès des militaires.
Exception à la règle, un héros de la Libération, le général Jacques Pâris de la Bollardière, demande publiquement le 28 mars 1957 à être relevé de son commandement pour ne pas cautionner la torture et le crime d'État et, le 15 avril, il est puni de quinze jours de forteresse.
Et le 12 septembre 1957, Paul Teitgen, secrétaire général de la police algéroise, démissionne avec éclat. L'un et l'autre sont mus par de solides convictions chrétiennes.
C'est aussi le cas d'Edmond Michelet, garde des sceaux dans le gouvernement du général de Gaulle de 1959 à 1961, qui n'a de cesse de lutter contre la perpétuation de la pratique de la torture en Algérie.
La plupart des grands intellectuels qui s'opposent aussi les premiers à la guerre d'Algérie et à la pratique de la torture se signalent également par leur engagement chrétien. C'est le cas de François Mauriac, Henri Mandouze,...
Amère victoire
Quelques mois après avoir obtenu les pleins pouvoirs du socialiste Guy Mollet, le général Massu peut se flatter d'avoir gagné la «bataille d'Alger» au prix d'environ 3.000 disparitions de suspects.
Le FLN est exsangue et guère plus en état de poursuivre ses opérations terroristes. Il se déchire qui plus est dans des querelles internes, à coup de liquidations et d'assassinats.
Le 29 mai 1957, le village de Melouza, entre Constantinois et Kabylie, coupable d'un ralliement au MNA (Mouvement National Algérien) de Messali Hadj, est attaqué par le colonel Mohamed Saïd, du FLN. 315 villageois sont massacrés à coup de pioche et de hache.
Le 27 décembre 1957, Abbane Ramdane, l'un des fondateurs du mouvement, à l'origine des attentats aveugles, est étranglé au Maroc sur ordre de ses rivaux, Abdelhafid Boussouf et Krim Belkacem.
Pour les successeurs de Guy Mollet à la tête du gouvernement, le moment paraît favorable à une négociation avec les éléments les plus modérés du camp ennemi.
C'est alors que les Français d'Algérie et certains officiers vont faire appel au général de Gaulle dans l'espoir de prévenir le lâchage de l'Algérie.
La «bleuite»
L'intoxication et la guerre secrète ont été utilisées avec profit par les Français dans leur offensive contre le FLN.
Le principal épisode est la bleuite, du surnom de l'uniforme donné aux agents du renseignement français.
En 1957, le capitaine Paul-Alain Léger infiltre la willaya III de Amirouche (l'armée insurgée des environs d'Alger) avec des prisonniers qu'il a retournés sous la contrainte et libérés.
En usant de faux messages, il permet à ses protégés d'accéder à des postes de responsabilité dans le groupe armé FLN.
Ses protégés sont bientôt en situation de faire suspendre les actions terroristes dans la région algéroise, à la surprise de la direction générale du FLN.
Lorsque son stratagème est sur le point d'être découvert, le capitaine Léger sème le trouble chez l'ennemi en répandant de fausses accusations.
Amirouche torture ses propres hommes qui livrent des noms au hasard dans l'espoir vain d'être épargnés. Cette sauvage purge fait 2000 suppliciés dans les rangs de la willaya.
La «bleuite»
L'intoxication et la guerre secrète ont été utilisées avec profit par les Français dans leur offensive contre le FLN.
Le principal épisode est la bleuite, du surnom de l'uniforme donné aux agents du renseignement français.
En 1957, le capitaine Paul-Alain Léger infiltre la willaya III de Amirouche (l'armée insurgée des environs d'Alger) avec des prisonniers qu'il a retournés sous la contrainte et libérés.
En usant de faux messages, il permet à ses protégés d'accéder à des postes de responsabilité dans le groupe armé FLN.
Ses protégés sont bientôt en situation de faire suspendre les actions terroristes dans la région algéroise, à la surprise de la direction générale du FLN.
Lorsque son stratagème est sur le point d'être découvert, le capitaine Léger sème le trouble chez l'ennemi en répandant de fausses accusations.
Amirouche torture ses propres hommes qui livrent des noms au hasard dans l'espoir vain d'être épargnés. Cette sauvage purge fait 2000 suppliciés dans les rangs de la willaya.
13 mai 1958 - Alger se révolte
Le 13 mai 1958, les Algérois d'origine européenne en appellent au général de Gaulle pour maintenir la souveraineté de la France sur l'Algérie.
L'insurrection va avoir raison de la IVe République... et inutilement prolonger la guerre d'Algérie en mettant fin aux espoirs nés quelques mois plus tôt.
Sabotage d'une solution politique
Le 8 février 1958, l'aviation française, lancée à la poursuite de fellaghas algériens, bombarde le village tunisien de Sakhiet. L'attaque fait 70 morts dans la population civile.
En guise de représailles, le président tunisien Habib Bourguiba bloque la base française de Bizerte et en appelle à l'ONU.
Le gouvernement de Félix Gaillard suggère de faire appel à une mission de bons offices anglo-américaine. L'Assemblée désavoue son initiative et il doit démissionner.
Pierre Pfimlin, député MRP (chrétien-démocrate) de Strasbourg, est pressenti pour remplacer Félix Gaillard à la présidence du Conseil. Mais il est soupçonné de vouloir négocier un cessez-le-feu avec les rebelles du FLN qui luttent pour l'indépendance de l'Algérie.
L'armée française d'Algérie a mauvaise presse. Une campagne d'opinion dénonce les tortures exercées par les parachutistes du général Massu dans la région d'Alger.
Dans ce contexte troublé, les gaullistes qui militent corps et âme pour le retour du général de Gaulle au pouvoir encouragent les pieds-noirs à la sédition.
Ils laissent entendre que le Général est la personnalité la mieux placée pour maintenir les trois départements algériens au sein de la République.
Les gaullistes les plus en vue sont le sénateur et polémiste Michel Debré, qui publie Le Courrier de la colère pour défendre l'Algérie française, et le député et anthropologue Jacques Soustelle, partisan d'octroyer aux musulmans les mêmes droits qu'aux autres habitants du pays.
Le 10 mai 1958, Alain de Sérigny, directeur de l'Écho d'Alger, publie un éditorial où il en appelle à de Gaulle pour sauver l'Algérie française que les partis traditionnels et le prochain gouvernement s'apprêtent à lâcher : «Je vous en conjure, parlez, parlez vite, mon général...»
Vrai-faux coup d'État
Le 13 mai 1958 est le jour de l'investiture de Pierre Pfimlin. À Alger a lieu une manifestation d'anciens combattants à la mémoire de trois militaires du contingent faits prisonniers par les fellaghas et fusillés en Tunisie.
Profitant de la manifestation, les partisans de l'Algérie française donnent l'assaut au bâtiment du gouvernement général sous la conduite de Pierre Lagaillarde, un leader étudiant.
Après la mise à sac du gouvernement général, les émeutiers nomment un Comité de salut public.
Le général Jacques Massu, qui a reçu de Félix Gaillard les pleins pouvoirs civils et militaires à Alger, en accepte la présidence. Il envoie à Paris un télégramme : «... exigeons création à Paris d'un gouvernement de salut public, seul capable de conserver l'Algérie partie intégrante de la métropole».
Les députés, qui n'apprécient pas cette intrusion, investissent comme prévu Pierre Pflimlin. C'est la rupture avec Alger.
Le 14 mai, à 5 heures du matin, Massu lance un nouvel appel : «Le comité de salut public supplie le général de Gaulle de bien vouloir rompre le silence en vue de la constitution d'un gouvernement de salut public qui seul peut sauver l'Algérie de l'abandon».
Le lendemain, 15 mai 1958, le général Raoul Salan, qui commande l'armée en Algérie, prononce une allocution devant le comité de salut public, à l'intérieur du Gouvernement général d'Alger : «Vive la France, vive l'Algérie française, vive le général de Gaulle !»
Puis il se rend sur le balcon et s'adresse à la foule rassemblée sur le Forum : «Nous gagnerons parce que nous l'avons mérité et que là est la voie sacrée pour la grandeur de la France. Mes amis, je crie : "Vive la France ! Vive l'Algérie française !»... Puis il se retourne vers l'intérieur mais se heurte à la haute silhouette du gaulliste Léon Delbecque qui lui souffle : «Vive de Gaulle, mon général !» Revenant vers le micro, Salan reprend la phrase : «Vive de Gaulle !»
Les dés sont jetés avec cet appel public au Général, éjecté de l'activité politique en 1947 mais toujours très désireux de donner à la France des institutions plus stables que la IVe République. | |
| | | Stans Fondateur
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| Sujet: Re: 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] Ven 09 Juin 2006, 11:35 am | |
| - Citation :
- De Gaulle, le retour
De sa retraite de Colombey-les-deux-Églises, de Gaulle fait répondre le jour même qu'il se tient prêt à «assumer les pouvoirs de la République».
Le 19 mai, il donne une conférence de presse pour dire qu'il refuse de recevoir le pouvoir des factieux d'Alger. Aux journalistes qui s'inquiètent de l'éventualité d'une dictature, il lance : «Croit-on qu'à 67 ans, je vais commencer une carrière de dictateur ?». Plus que jamais, les parlementaires rejettent la perspective de confier la République à de Gaulle.
Mais c'est sans compter avec les rebelles d'Alger et les manœuvriers gaullistes.
Le 24 mai, le bruit se répand que des parachutistes venus d'Algérie ont sauté sur la Corse.
Dans les faits, un député corse, Pascal Arrighi, a fait dans la nuit le voyage d'Alger à Ajaccio pour rallier l'île aux gaullistes. A son instigation, quelques poignées d'hommes du 1er bataillon de parachutistes de choc basé à Corte et Calvi se sont rendus à Ajaccio où ils ont désarmé les gendarmes et occupé la préfecture.
Les rebelles utilisent habilement la radio pour faire planer sur la métropole la menace d'un débarquement militaire et d'une guerre civile (n'est-ce pas en Corse qu'a débuté la Libération du territoire en 1943 ?).
Le 27 mai, à midi, de Gaulle affirme dans un communiqué qu'il entame le processus régulier pour «l'établissement d'un gouvernement républicain». Stupeur dans la classe politique. Serait-ce un coup d'État ?.
Pour dénouer la situation, René Coty, le président de la République, se résout le 1er juin, dans un message au Parlement, à en appeler au «plus illustre des Français... Celui qui, aux heures les plus sombres de notre histoire, fut notre chef pour la reconquête de la liberté et qui, ayant réalisé autour de lui l'unanimité nationale, refusa la dictature pour établir la République».
Le général forme sans attendre un gouvernement de rassemblement avec Guy Mollet, chef de la SFIO (parti socialiste), Antoine Pinay (Centre National des Indépendant, droite), Pierre Pflimlin, MRP (chrétien démocrate), Michel Debré (gaulliste),...
Le 4 juin, devant la foule rassemblée sur le Forum d'Alger, il proclame une formule fameuse : «Je vous ai compris. Je sais ce qui s'est passé ici. Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c'est celle de la rénovation...»
L'évocation dans le même discours des dix millions de Français d'Algérie suscite des flottements chez les membres du comité de salut public qui se demandent si le général ne veut pas saborder leur projet en promettant une intégration impossible de tous les musulmans (*).
Mais le 6 juin, l'enthousiasme des pieds-noirs est à son comble quand ils entendent à Mostaganem le général de Gaulle : «Vive Mostaganem ! Vive l'Algérie française ! Vive la République ! Vive la France !».
Investi de la présidence du Conseil, le général Charles de Gaulle s'attelle à la mise sur pied d'une nouvelle Constitution. Elle est approuvée par référendum le 28 septembre 1958 avec 79,2% de Oui et toujours en vigueur.
Le 21 décembre 1958, Charles de Gaulle est élu président de la République et de la Communauté française par un collège électoral. C'est le premier président de la Ve République.
Séquelles du 13 mai
Sur le coup d'État du 13 mai 1958, on peut retenir la conclusion du sociologue Raymond Aron : «J'écris au mois de mars 1962. Il y a trois ans et demi une République était abattue parce qu'elle était incapable de garder l'Algérie à la France. Les fondateurs de la République suivante ont obstinément poursuivi la politique dont ils accusaient les hommes d'hier de nourrir la velléité. Mais s'il fallait crier "Algérie française" pour ramener le général de Gaulle au pouvoir et si ce retour à l'Élysée du solitaire de Colombey était indispensable au bien public, ceux qui ont abusé leurs fidèles et trompé le peuple sur leurs objectifs, n'ont-ils pas finalement déshonoré leur nom et servi l'État ?» (*).
21 avril 1961 - Putsch d'Alger
Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, quatre généraux français tentent de soulever les militaires stationnés en Algérie et les Pieds-noirs (*) dans un effort désespéré maintenir l'Algérie à l'intérieur de la République française. C'est le putsch d'Alger.
Il va pitoyablement échouer en quatre jours.
Un sauveur ?
Trois ans plus tôt, en mai 1958, le général Charles de Gaulle a été ramené au pouvoir à la faveur d'un vrai-faux coup d'État par ses fidèles alliés pour la circonstance avec les partisans du maintien de l'Algérie dans la République française.
Ces derniers s'inquiétaient du renoncement des dirigeants de la IVe République à cet objectif.
Personne à vrai dire ne connaît la conviction intime du général de Gaulle. Celui-ci s'est dans le passé montré favorable à la colonisation. Mais il est également conscient des nouvelles réalités qui rendent tout autant impossibles l'intégration de l'ensemble des musulmans algériens dans la communauté nationale et leur maintien dans un statut d'infériorité.
Le 6 juin, l'enthousiasme des pieds-noirs est à son comble quand ils entendent à Mostaganem le général de Gaulle : «Vive Mostaganem ! Vive l'Algérie française ! Vive la République ! Vive la France !».
Mais dès l'automne, le doute s'installe.
Le 19 septembre 1958, le FLN indépendantiste constitue un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en vue d'offrir un interlocuteur compétent aux nouvelles autorités françaises.
Le 23 octobre 1958, le général de Gaulle promet une «paix des braves» à l'ennemi.
L'avènement de la Ve République et le référendum sur la Constitution, en décembre, vont de pair avec une première décolonisation, celle de la Guinée.
Le 16 septembre 1959, de Gaulle garantit le «droit des Algériens à l'autodétermination».
Vers la négociation avec le FLN
Les militants de l'Algérie française qui ont porté le général de Gaulle au pouvoir commencent à ruer dans les brancards. Ils s'estiment trahis.
Le général doit sévir. Le 23 janvier 1960, il commence par limoger le général Massu.
Les Pieds-noirs, dépités, s'insurgent à Alger au cours d'une meurtrière «Semaine des Barricades», du 24 janvier au 1er février. Le 5 février 1960, Jacques Soustelle, se considérant à son tour trahi, quitte le gouvernement.
Début mars 1960, au cours d'une «tournée des popotes» auprès des militaires d'Algérie, le président de Gaulle fait un pas de plus vers la décolonisation. Il annonce une «Algérie algérienne liée à la France».
Dans le même temps, les unes après les autres, les colonies d'Afrique (Cameroun, Togo, Madagascar,...) se voient accorder leur indépendance (tout en demeurant étroitement dépendantes de Paris, financièrement et politiquement).
Le 4 novembre 1961, le président de la République évoque pour la première fois une «République algérienne». Ainsi prépare-t-il peu à peu l'opinion française et algérienne à l'indépendance inéluctable des trois départements algériens... sans que les combats entre militaires français et indépendantistes du FLN s'interrompent pour autant.
Le 8 janvier 1961, le peuple français approuve par référendum le principe de l'autodétermination des Algériens de toutes conditions (75,25% de oui en métropole et 69,09% en Algérie, où les musulmans ont voté aux côtés des colons).
Un an plus tard, le 30 mars 1961, le gouvernement annonce officiellement l'ouverture de pourparlers avec les représentants du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne).
Sursaut de désespoir
Dans une conférence de presse, le 11 avril, de Gaulle parle désormais de l'Algérie comme d'un «État souverain».
Cette déclaration survient dans un climat de décolonisation hâtive. L'opinion publique, en métropole, a hâte d'en finir avec une guerre de sept ans où de nombreux jeunes gens ont déjà perdu leur vie ou leur honneur.
En Algérie, beaucoup d'Européens s'inquiètent de leur sort et ne croient pas à une coexistence possible avec la majorité musulmane dans le cadre d'un État souverain.
Leur désespoir rejoint celui de nombreux militaires qui entrevoient un nouveau recul de la France après le lâchage de l'Indochine. Ils s'indignent d'avoir vaincu pour rien l'ennemi sur le terrain.
Le 20 avril 1961, au soir, le général Maurice Challe, ancien commandant en chef en Algérie, reçoit discrètement à Alger le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, chef par intérim du 1er régiment étranger de parachutistes (la Légion étrangère).
Il l'invite à le rejoindre dans le complot organisé avec deux autres généraux; Edmond Jouhaud et André Zeller.
C'est chose faite avec la prise de contrôle d'Alger par les parachutistes dans la nuit du 21 au 22 avril. À l'aube du samedi 22 avril, la radio d'Alger peut annoncer que «l'armée s'est assurée du contrôle du territoire algéro-saharien».
Mais les pustchistes échouent en métropole. À Paris, le gouvernement fait immédiatement arrêter leurs complices et l'on n'a à déplorer que quelques attentats au plastic, à Orly et à la gare de Lyon.
En Algérie même, Challe se contente d'arrêter les représentants du gouvernement et n'arrive pas à rallier les officiers de haut rang à sa cause. Il se refuse à armer les civils de son camp. Il a toutefois la satisfaction d'être rejoint par le prestigieux général Raoul Salan, qui a quitté son exil espagnol à la barbe des autorités.
Raoul Salan est celui-là même qui, le 15 mai 1958, a fait acclamer le nom du général de Gaulle à Alger.
Le dimanche soir 23 avril, le général de Gaulle apparaît en uniforme à la télévision et lance des mots qui font mouche : «Un pouvoir insurrectionnel s'est installé en Algérie par un pronunciamiento militaire. Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite... Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer la route de ces hommes-là... J'interdis à tout Français et d'abord à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres...».
On s'attend à ce que les militaires factieux d'Algérie atterrissent sur les aérodromes métropolitains. Dans la nuit, le Premier ministre Michel Debré dramatise la situation, non sans échapper au ridicule. «Dès que les sirènes retentiront, allez, à pied ou en voiture, convaincre ces soldats trompés de leur lourde erreur» lance-t-il à son tour à la télévision.
Le lendemain lundi, les syndicats organisent symboliquement une grève générale d'une heure qui est massivement suivie. C'en est fini de l'insurrection algéroise.
Le mardi 25 avril, le gouvernement reprend en main la radio d'Alger cependant qu'Hélie Denoix de Saint Marc et Maurice Challe se livrent aux autorités. Les hommes du 1er REP, résignés, repartent à la guerre en chantant «Non, je ne regrette rien...» Quant aux généraux Salan et Jouhaud, ils rentrent dans la clandestinité et prennent la tête de la sinistre OAS (Organisation de l'Armée Secrète), créée à Madrid deux mois plus tôt.
Pendant le putsch d'Alger, les négociations secrètes engagées entre le gouvernement français et les représentants du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) ne se sont pas interrompues, d'abord à Melun, en juin 1960, puis à Évian...
17 octobre 1961 - Nuit tragique à Paris
La tension entre policiers français et indépendantistes algériens culmine avec la manifestation meurtrière du mardi 17 octobre 1961.
Au cours des mois précédents, 22 policiers sont tombés en France métropolitaine sous les balles des commandos du FLN (Front de Libération Nationale), l'un des mouvements qui revendiquent l'indépendance des trois départements algériens.
Les syndicats de policiers réclament davantage de fermeté de la part du préfet de police de Paris, Maurice Papon.
Le 5 octobre, celui-ci demande aux travailleurs algériens de ne plus circuler de nuit dans la capitale. Il autorise aussi l'interpellation de jour comme de nuit de tout musulman.
La Fédération de France du FLN appelle les Algériens de la région parisienne à manifester pacifiquement, avec femmes et enfants, le 17 octobre, à 20h30, sur les Champs-Élysées, pour protester contre ce couvre-feu discriminatoire.
Une manifestation nocturne à deux pas du palais de l'Élysée et de l'Assemblée nationale !
Le général de Gaulle, président de la République, y voit une pression inadmissible sur les négociateurs français et indépendantistes qui traitent à Évian du futur statut de l'Algérie.
Le FLN veut aussi user de cette provocation pour prendre le dessus sur le mouvement rival du MNA.
Le président de la République donne carte blanche à Maurice Papon pour interdire la manifestation et la disperser par tous les moyens. Le préfet peut dire à ses hommes : «Désormais, vous êtes couverts !»
Les policiers ne se le font pas dire deux fois. Tandis que les Algériens tentent de converger vers le centre de la capitale, souvent poussés de force par les militants du FLN, les forces de l'ordre les affrontent sans ménagement et les embarquent vers les commissariats pour les rouer de coups plus à leur aise.
Des dizaines de manifestants sont jetés dans la Seine. On évalue à 200 le nombre de victimes.
La presse, d'abord abasourdie, se réveille dans les jours qui suivent, comme le rappelle l'historien Pierre Vidal-Naquet. L'Humanité est saisie pour avoir dénoncée la répression. Le Figaro lui-même, proche du pouvoir gaulliste, dénonce des atteintes inadmissibles aux droits de l'homme.
Bien qu'informés par les journaux des excès de la répression, l'opinion publique, les syndicats et les partis, y compris de gauche, restent cependant sans réaction.
Le souvenir de la nuit tragique du 17 octobre a été enfoui dans l'inconscient national. Il s'inscrit dans la longue suite de drames dont sont tissées les relations entre l'Algérie et la France depuis la conquête.
Divisions
Dans les premières années de la Ve République, le peuple français, troublé par l'évolution insidieuse du gouvernement sur la question algérienne, se divise profondément.
Le 8 février 1962, dans l'Est parisien, une manifestation des partis de gauche contre la guerre d'Algérie et les attentats de l'OAS se termine par la charge de la police et la mort tragique de 7 manifestants au métro Charonne.
Attentats, répression et manifestations n'empêchent pas les négociations de se poursuivre à Évian.
Les négociations d'Évian aboutissent quelques jours après au cessez-le-feu du 19 mars 1962 et à l'indépendance de l'Algérie, le 3 juillet de la même année. | |
| | | Stans Fondateur
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| Sujet: Re: 1954 - 1962 : la Guerre d'Algérie [topic unique] Ven 09 Juin 2006, 11:39 am | |
| Source : http://www.linternaute.com/histoire/motcle/772/a/1/1/oas.shtml - Citation :
- L'OAS
1961 - 21 avril
Putsch en Algérie
4 généraux à la retraite (Challe, Zeller, Jouhaud et Salan) et quelques colonels prennent le pouvoir à Alger afin de s'opposer à l'émancipation de l'Algérie. Mais les putschistes ne parviennent pas à rallier l'armée d'Algérie et le président de Gaulle interdit à tous Français d'exécuter leurs ordres. Les généraux seront arrêtés et les partisans acharnés de l'Algérie française entreront dans l'OAS (Organisation de l'armée secrète) qui cessera d'exister avant l'indépendance algérienne en 1962. 1962 - 2 août
L'attentat du Petit-Clamart contre De Gaulle
Le cortège présidentiel qui vient de quitter l'Elysée pour se rendre à Colombey-les-deux-Eglises, est pris à partie par trois hommes armés de pistolets-mitrailleurs, alors qu'il traverse le Petit-Clamart. Cet attentat est l'oeuvre de l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète), qui s'oppose à l'indépendance de l'Algérie. Le général de Gaulle qui en réchappe, profitera de l'émotion causée par l'attentat pour proposer l'élection du président de la République au suffrage universel. 1963 - 11 mars
Exécution de Bastien-Thiry
Condamné à mort par la Cour militaire de justice, le lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry est fusillé au fort d'Ivry (Sud de Paris). Défenseur de l'Algérie française, il avait organisé l'attentat du Petit-Clamart contre le président le 22 août 1962. Son avocat demandera la grâce présidentielle, que De Gaulle refusera en invoquant la raison d'Etat. Bastien-Thiry est le dernier citoyen français à être exécuté pour des motifs "politiques". | |
| | | Stans Fondateur
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| Sujet: Jean-Marie Bastien-Thiry Ven 09 Juin 2006, 11:48 am | |
| Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marie_Bastien-Thiry - Citation :
- Jean-Marie Bastien-Thiry, né le 19 octobre 1927 à Lunéville, mort le 11 mars 1963 à Fresnes., était un ingénieur militaire français, qui tenta de faire assassiner le général de Gaulle.
Issu d'une famille de militaires, élève de l'École polytechnique, puis diplômé de l'École nationale supérieure de l'aéronautique, il se spécialisa dans les engins air-air ; il devint ingénieur militaire principal de l'Air en 1957. Il a eu trois filles.
Partisan de l'Algérie française, membre de l'OAS, il perçoit la séparation d'avec l'Algérie comme « plus grave encore que celle d'avec l'Alsace-Lorraine » et organise contre le général de Gaulle l'attentat du Petit-Clamart le 22 août 1962, estimant trouver dans les propos de Thomas d'Aquin sur la légitimité que peut avoir dans certains cas le régicide la conciliation entre son projet et sa religion. Arrêté en septembre à son retour d’une mission scientifique en Grande-Bretagne, son procès devant la Cour militaire présidée par le général Roger Gardet se déroule du 28 janvier au 4 mars 1963. Son avocat est maître Jacques Isorni. Bien qu'il n'eût commis qu'une tentative d'assassinat, il fut condamné à mort, contrairement aux tireurs. De Gaulle refusa de le grâcier. Il fut fusillé devant un peloton d'exécution à la prison de Fresnes.
Une considération médicale aurait néanmoins pu obtenir cette grâce : Bastien-Thiry avait fait une grave dépression nerveuse peu de temps auparavant, et se trouvait encore sous antidépresseurs au moment de son acte ; mais par décision du condamné, la demande de recours en grâce n'en fit pas état.
Déclarations au procès
« Il n'y a pas de sens de l'Histoire, il n'y a pas de vent de l'Histoire car ce qui fait l'Histoire, selon notre conception occidentale et chrétienne qui est vérifiée par tous les faits historiques, c'est la volonté des hommes, c'est l'intelligence des hommes, ce sont leurs passions, bonnes ou mauvaises. » « Le danger que court actuellement ce pays ne vient pas d'un risque de destruction physique ou matérielle : il est plus subtil et plus profond car il peut aboutir à la destruction de valeurs humaines, morales et spirituelles qui constituent le patrimoine français. Ce patrimoine provient d'un héritage qui est à la fois grec, latin, occidental et chrétien et repose sur une conception précise de la liberté et de la dignité de l'homme et des collectivités humaines et sur la mise en application de principes fondamentaux qui sont la recherche et le souci de la justice, le respect de la vérité et de la parole donnée et la solidarité fraternelle entre tous ceux qui appartiennent à la même collectivité nationale. Nous croyons qu'on ne viole pas impunément et cyniquement ces différents principes sans mettre en péril de mort, dans son esprit et dans son âme, la nation tout entière. »
Bibliographie
Agnès Bastien-Thiry, Mon père, le dernier des fusillés. Paris : Éditions Michalon, 7 avril 2005. 178 p.-VIII p. de pl., 24 cm ISBN 2-84186-258-6. Gabriel Bastien-Thiry, Plaidoyer pour un frère fusillé, Éditions de la table ronde Jean-Pax Méfret, Bastien-Thiry : Jusqu'au bout de l'Algérie française, Pygmalion. Lajos Marton, Il faut tuer de Gaulle , Editions du Rocher. Filmographie : Docu-drama "Ils voulaient tuer De Gaulle" (2005) réalisé par Jean-Teddy Filippe Avec : Jean-Pierre Michael (Jean-Marie Bastien-Thiry), Pierre-Arnaud Juin (Alain Bougrenet de la Tocnaye), Fred Bianconi (Armand Belvisi)… | |
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