Les mutazilites

Source : http://www.maison-islam.com/article.php?sid=390

Citation :

La conception des Mutazilites aurait-elle été la solution ?

Transmis par: Anas

Question :

Je suis assez étonné de voir que de nombreux musulmans déprécient la pensée mutazilite et admirent Ahmad ibn Hanbal. C'est pourtant celui-ci qui s'était opposé à la réforme que voulaient promouvoir les califes mutazilites al-Mamoun, al-Mu'tassim et al-Wathiq billah au troisième siècle de la civilisation islamique. En fait on remarque que, aujourd'hui comme hier, les traditionalistes s'opposent aux rationalistes, suivant en cela ce qui s'est passé entre Ibn Hanbal et al-Mamoun ; et que, aujourd'hui comme hier, l'objet du désaccord est la place de la raison par rapport à la lettre des écritures. On peut rêver à ce que le monde musulman aurait été aujourd'hui si ça avait été ces illustres califes éclairés qui l'eussent emporté il y a mille ans.

Réponse :

Oh c'est très simple : "Si ça avait été ces illustres califes éclairés qui l'eussent emporté il y a mille ans", il y aurait de fortes chances que les dirigeants actuels, ayant suivi la voie des al-Mamoun (813-833), al-Mu'tassim (833-842) et al-Wâthiq (842-847), eussent imposé à tous les musulmans leurs croyances étranges à coup d'exécutions, d'emprisonnements et de flagellations…

Parce que c'est que ceux-là mêmes que vous appelez "des illustres califes éclairés" ont fait en ce troisième siècle de l'Islam (de l'an 217 à l'an 234) pour forcer les uns et les autres à adopter leur croyance. Et si le cas de Ahmad ibn Hanbal est fort connu – il fut emprisonné et fouetté –, il ne fut pas le seul : ce fut en grand nombre que des ulémas furent emprisonnés, certains jusqu'à leur dernier souffle. Bel exemple d'ouverture d'esprit.

Ce ne fut pas une "réforme" – comme vous dites –, ce fut une imposition de la pensée unique par le fer. Ahmad Amîn a relaté l'exécution de deux savants ayant refusé d'adopter les croyances mutazilites (Dhuha-l-islâm, 3/180). Ce même Ahmad Amîn, pourtant grand admirateur de la pensée des Mutazilites, a très justement écrit que les Mutazilites furent un curieux mélange de liberté de spéculation et d'intolérance vis-à-vis des musulmans qui furent d'un avis différent du leur (cité dans Rijâl ul-fikr wad-da'wa fil-islâm, an-Nadwî, 1/96).

Pour sa part, si Ahmad ibn Hanbal s'opposa à leur croyance déviante, il se contenta de le faire par la parole ; et il continua à le faire même lorsqu'il fut présenté enchaîné à la cour du calife devant les savants mutazilites. Ce même Ahmad ibn Hanbal n'hésita pas plus tard à prier Dieu de pardonner à al-Mu'tassim ; à quelqu'un qui lui disait : "Abû 'Abdillâh, lorsque les gens subissent une épreuve due à une personne, ils font des invocations contre cette personne ; et toi tu pries pour le pardon de al-Mu'tassim ?", il répondit qu'il lui avait pardonné et que le jour du jugement il ne demanderait pas réparation pour ce qu'il lui a fait subir (Mukhtârât min al-adab il-'arabî, an-Nadwî, 1/75). Bel exemple de grandeur d'âme ; vous diriez peut-être d'"humanisme" ; vous auriez raison.

C'est toute cette abnégation qui a fait que l'un des contemporains de Ahmad ibn Hanbal, Qutayba, a dit : "Lorsque tu vois un homme avoir de l'affection pour Ahmad ibn Hanbal, sache qu'il st attaché à la Sunna" [= qu'il est sunnite] (cité dans Rijâl ul-fikr wad-da'wa fil-islâm, an-Nadwî, 1/115). Je partage les croyances que Ahmad ibn Hanbal défendit contre les Mutazilites et ai de l'affection pour ce spécialiste des Hadîths ; cela ne veut pas dire que je partage aussi chaque avis juridique qu'il a émis (je suis hanafite, et lui donnait des avis juridiques selon le sens obvie - zâhir - des Hadîths, comme nous l'avons montré dans différents articles). Différentes tendances existent chez les musulmans, et pas seulement la traditionaliste (cliquez ici pour lire à ce sujet notre article) ; cependant nous tenons à rester attachés à l'orthodoxie sunnite.

Et puis il ne faut pas oublier un point important : au contraire des Sunnites, qui disent que faire un acte strictement interdit amoindrit la foi mais ne fait pas quitter l'islam tant qu'on ne renie pas le caractère interdit de cet acte, les Mutazilites, eux, disaient que le fait même de faire volontairement un acte strictement interdit fait quitter l'islam.

Remarquez enfin que les Sunnites n'ont jamais hésité à étudier et à tirer profit d'ouvrages écrits par des savants mutazilites, tout en se gardant bien d'adopter les croyances déviantes qui, ici et là, y figurent. Quel sunnite refuse-t-il d'étudier et de citer des passages du célèbre commentaire du Coran al-Kashshâf, écrit par az-Zamakhsharî, savant mutazilite ?

En fait c'est faire un raisonnement par analogie avec l'histoire de l'Occident que de croire qu'en Islam aussi, "Prise de libertés de la Raison par rapport aux Ecritures et à la Tradition, égale Libertés". Or non seulement en ce qui concerne les Mutazilites ce ne fut pas le cas, mais les fondements même du problème ne sont pas les mêmes en Occident et en Islam : l'articulation entre "Raison", "Ecritures" et "Tradition" n'est pas la même en Islam qu'en Occident : cliquez ici pour lire à ce sujet notre article.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Source : http://www.webarabic.com/portail/encyclopedie/index.php?cat=religions&p=i_mutazilites

Citation :

Les mutazilites

La traduction d'oeuvres philosophiques grecques aux VIIIème et IXème siècles contribue à la création de la première école importante de théologie, dite mutazilite. Les deux doctrines les plus importantes du mutazilisme sont celles de l'unité et de la justice divine. La justice divine ne peut être rendue que si l'homme a eu la liberté de choisir de son plein gré entre le bien et le mal.

Au Xème siècle, le philosophe al-Ashari (873-935?) réagit contre cette théologie: la liberté de l'homme est selon lui incompatible avec le pouvoir et la volonté de Dieu. La raison humaine n'est pas capable de distinguer entre le bien et le mal sans l'aide de Dieu et de ses révélations. Les opinions d'al-Ashari et de son école dominent finalement en islam orthodoxe et sunnite; les musulmans conservateurs d'aujourd'hui les tiennent toujours pour justes. Les sunnites tolèrent cependant l'existence d'opinions légèrement différentes; ils insistent sur le consensus de la communauté en matière de doctrine.

La philosophie médiévale

Les mutazilites ont probablement été les premiers musulmans à emprunter les méthodes philosophiques grecques pour élargir leurs opinions. Certains de leurs opposants ont utilisé les mêmes méthodes. Le mouvement philosophique islamique est fortement influencé par la philosophie et les sciences grecques, traduites en arabe sous l'influence du calife al-Mamoun.

Al-Kindi est le premier philosophe islamique important. Au IXème siècle, il essaie d'allier les concepts philosophiques grecs avec les vérités de l'islam. L'influence d'Aristote et des néoplatoniciens est très importante. Au Xème siècle, le Turc al-Farabi est le premier philosophe islamique à appliquer les lois religieuses à la philosophie. Il prétend que les vérités philosophiques sont universelles et que les différentes religions sont l'expression symbolique d'une religion mondiale et idéale.

Au XIème siècle, le philosophe et médecin persan Avicenne parvient à intégrer le rationalisme grec à la pensée islamique, aux dépens de certains articles de la foi orthodoxe, et notamment de l'immortalité et de la création du monde. Au XIIème siècle, le philosophe et médecin hispano-arabe Averroès (Ibn Ruchd en arabe), défenseur des principes d'Aristote et des néoplatoniciens, devient, par son influence sur les scolastiques, le philosophe le plus important de l'histoire intellectuelle occidentale.

Le soufisme est un mouvement mystique dont l'origine remonte au VIIIème siècle, quand de petits cercles de musulmans pieux réagissent contre le développement de la communauté islamique et insistent sur l'importance de la vie intérieure et de la purification morale. Au IXème siècle, le soufisme se transforme en une doctrine mystique prêchant la communion directe avec Dieu. Cette recherche d'union mystique avec Dieu est en contradiction avec le monothéisme. Au XIème siècle, al-Ghazali parvient à intégrer le soufisme à la structure orthodoxe.

Au XIIème siècle, le soufisme n'est plus réservé à une élite intellectuelle et devient un mouvement populaire. L'islam s'étend en Afrique et en Asie de l'est. Les fraternités soufis se multiplient rapidement de l'Atlantique à l'Indonésie. Certaines fraternités embrassent la totalité du monde islamique, d'autres sont régionales ou locales.