Immigration : l'exemple Danois

Citation :

Pays le plus restrictif de l'Union en matière d'immigration
Au Danemark, les exilés de l'amour

Copenhague : de notre envoyée spéciale Stéphane Kovacs
[08 février 2005]


Ils croyaient que l'amour n'avait pas de frontières... jusqu'à ce qu'ils se heurtent aux limites de la loi danoise. Tina et Kuljeet Vendil se sont rencontrés il y a deux ans à Copenhague, chez des amis indiens. Mais de retour dans son pays natal, Kuljeet n'oublie pas la jolie blonde. Quelques mails et coups de téléphone plus tard, ils se marient, à New Delhi, le 4 novembre 2004.


Comme des milliers de jeunes Danois, Tina, 28 ans, a dû choisir entre son amour et sa patrie : Kuljeet n'ayant que 23 ans, leur couple tombe sous le coup de la loi dite «des 24 ans». Depuis l'entrée en vigueur, en 2002, de cette législation, le Danemark est le pays le plus restrictif de l'Union européenne en matière d'immigration. Pour pouvoir y vivre avec un étranger – non-européen –, chacun des deux partenaires doit avoir au moins 24 ans.

Officiellement, l'idée est de mettre un frein aux mariages arrangés : «98% des immigrants turcs de la troisième génération vont chercher leur conjoint en Turquie, souligne Ivan Vesselbo, député de la majorité qui a participé à la rédaction de la loi. Résultat : leurs enfants ne parleront pas danois, ils ne s'intégreront jamais.»

Les couples mixtes doivent aussi avoir un logement, un revenu suffisant et faire un dépôt de quelque 8 000 euros sur un compte bloqué pendant sept ans. Bien plus délicat, ils doivent également prouver que leur lien avec le Danemark est «plus fort» qu'avec tout autre pays. «Vous rendez-vous compte que nous n'aurions pas pu remplir ce critère ?, s'exclame Tina. Mon mari n'a fait qu'un seul séjour au Danemark. Moi, je suis allée deux fois en Inde. En outre, notre langue de communication n'est pas le danois, mais l'anglais...»


Avec l'aide de l'association Mariages sans frontières, de plus en plus de jeunes couples apprennent à contourner la loi. La solution la plus évidente ? S'installer à Malmö, en Suède, à seulement 35 minutes de la capitale danoise par le pont Oresund. Comme Tina, standardiste à Copenhague, certains empruntent quotidiennement l'ouvrage qu'ils ont joliment rebaptisé «pont de l'amour».


Selon Stockholm, une cinquantaine de nouveaux couples débarquent chaque mois en Suède. «Plus de 2 700 couples ont essuyé un refus des autorités danoises en 2003, indique Erik Lemcke, Porte-parole de Mariages sans frontières. Mais, comme beaucoup ne prennent plus la peine de faire une demande, on peut estimer à 10 000 le nombre d'«exilés de l'amour» qui quittent chaque année notre pays.» Deux ans après leur arrivée en Suède, ils peuvent acquérir la nationalité suédoise, puis retourner au Danemark.


La loi mène parfois à des situations ubuesques : une Suédoise mariée à un Pakistanais, par exemple, peut tout à fait vivre au Danemark au nom de la libre circulation des personnes dans l'UE. En revanche, un Danois de moins de 24 ans marié à une Américaine devra s'exiler. «Il y a des cas totalement aberrants, indique Erik Lemcke. Comme cette jeune Thaïlandaise qui, après son accouchement, a été renvoyée quelques mois dans son pays, jusqu'à ses 24 ans, tandis que le papa restait au Danemark avec le bébé...»


Les jeunes ne sont pas les seuls frappés. «Quelle honte ce fut pour moi, à 60 ans, d'avoir à remplir 22 pages de questions très indiscrètes pour faire venir mon épouse américaine !, raconte Erik Lemke. Sculpteur, j'ai eu du mal à prouver que mes revenus étaient réguliers et suffisants. Sans compter qu'après l'obtention du permis de séjour provisoire nous sommes encore sous surveillance pendant sept ans : ma femme pourrait être expulsée si je mourais ou n'avais plus de revenus...»


Qu'importe. Pour les Danois, largement favorables à la nouvelle législation, les résultats sont là : les demandes de regroupement familial ont été divisées par trois entre 2001 et 2004. Le premier ministre libéral, Anders Fogh Rasmussen, peut se vanter d'avoir réduit le nombre des nouveaux arrivants des deux tiers depuis son arrivée au pouvoir il y a quatre ans. Selon l'office de l'immigration, le nombre de demandeurs d'asile est passé de 12 512 en 2001 à 3 222 en 2004, et le taux des demandes acceptées a chuté de 53% à 10% durant cette période. Les étrangers ne représentent que 4,9% de la population – 8% si on y inclut les naturalisés danois.

Une politique qui n'est même pas remise en cause par l'opposition social-démocrate, échaudée par la perte, en 2001, de toute une frange de son électorat au profit de l'extrême droite. «En fait, ces lois ont rassuré ceux qui avaient peur d'être envahis, affirme Basim Osman, psychologue d'origine soudanaise. Maintenant on va pouvoir se concentrer sur l'intégration de ceux qui sont déjà là.» Les 537 millions d'euros économisés chaque année grâce à ces restrictions seront d'ailleurs consacrés, promet le gouvernement, à l'intégration des «nouveaux Danois».

Quant à cette jeune main-d'oeuvre que Copenhague condamne à un exil temporaire, elle est parfois définitivement perdue pour le Danemark. Beaucoup, comme les Vendil, ne veulent même plus en entendre parler. «Pas question de redéménager dans quelques mois !, s'offusque Kuljeet. Ce que nous voulons maintenant, c'est nous construire un bel avenir en Suède, un pays qui soutient notre amour.»

http://www.lefigaro.fr/international/20050208.FIG0131.html

Un exemple à suivre sans tarder!!

A-t-on de meilleure solutions pour empêcher les mariages blancs et la déseuropéinisation galoppante de notre continent ?