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 Jacques CHIRAC, franc-maçon ou non ?

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MessageSujet: Jacques CHIRAC, franc-maçon ou non ?   Jacques CHIRAC, franc-maçon ou non ? EmptySam 22 Avr 2006, 4:05 pm

Source : http://www.denistouret.net/constit/Chirac_Franc-macons.html

Chirac et les Francs-Maçons

Juppé ?
Raffarin ?

Citation :
Le président n'a jamais dédaigné ce réseau de réseaux, mais a toujours entretenu le flou sur ses accointances maçonniques. Enquête sur un lobby discret qui a toujours été près du pouvoir

Sous les ors de la salle des fêtes de l'Elysée, ils sont un demi-millier. Cinq cents visiteurs associatifs venus recevoir les voeux du président pour l'année 2001. Après le discours, Alain Bauer, le jeune grand maître du Grand Orient, s'attarde en compagnie de deux « consoeurs » des loges féminines. Il rosit de plaisir en voyant Jacques Chirac fendre la foule pour se précipiter sur lui. Pas un regard présidentiel, ou presque, pour les deux dames qui l'accompagnent. Le maître des lieux le tire par la manche et lui dit : « Ecoutez, il y a une question que je veux vous poser depuis très longtemps : pourquoi est-ce que personne ne m'a jamais proposé de devenir franc-maçon ? » Embarras du grand maître, qui s'en tire comme il peut sur le thème de la porte toujours ouverte et de la vie qui invente.

Le président a toujours aimé entretenir un flou de coquette sur ses accointances maçonniques. Dans « Les frères invisibles » (Albin Michel), deux journalistes, Renaud Lecadre et Ghislaine Ottenheimer, affirmaient que Jacques Chirac aurait été initié dans une obédience suisse très élitiste, la Grande Loge Alpina. Le « no comment » de l'Elysée s'est accompagné de la rétractation des dignitaires francs-maçons qui avaient informé les auteurs. Le sujet serait trop sensible et, ajoute l'un d'eux au Point, « ce sont de toute façon des réunions très informelles, une fois par an, dans une ambiance amicale et de très haut niveau ». On voit mal, d'ailleurs, ce qui pourrait conduire un homme d'Etat à se ligoter volontairement avec un serment maçonnique bien encombrant. Mieux vaut, et Chirac, comme Mitterrand, ne s'en est pas privé, enrichir son entourage de frères bien ciblés, en accueillir parmi ses conseillers et ses ministres, en compter parmi ses amis et ses obligés.

Bien que profane, le président n'a jamais dédaigné ce réseau de réseaux, riche de 130 000 pratiquants. Dès les années 70, il aime à se présenter comme un ami de la cause. Cela ne coûte pas cher et peut toujours servir. A l'un de ses proches qui, à cette époque, lui demande, alors qu'ils sillonnent les routes de Corrèze en DS, s'il « en est », Jacques Chirac répond : « Mon grand-père l'était. Mais moi, toutes ces simagrées... ». Le grand-père instituteur, Louis, fut, comme tout maçon appliqué, vénérable de sa loge en Corrèze. Les jaloux assurent que son père n'aurait jamais réussi une aussi belle carrière chez Dassault sans appui fraternel. Aucune preuve, pourtant, ne vient à l'appui de ces insinuations.

Les « simagrées » - rituel, déguisement et gants blancs - le futur président les connaît néanmoins très bien. Le terroir radical qu'il sillonne depuis quarante ans considérait pour tout notable la capitation annuelle comme un impôt local supplémentaire, sans plus. Le député Chirac y a d'ailleurs acquis une manière d'être chaleureuse, à l'écoute, empathique que les loges encouragent et promeuvent. Pour résumer méchamment ce profil de « maçon sans tablier », certains évoquent son côté « Queuqueuille », en référence à l'ancien président du Conseil radical-socialiste et corrézien de la IVe République.

En mai 2001, le Grand Orient de France (GO) organise un colloque sur la « Dignité humaine ». Un raout d'envergure, où il est question de bioéthique, d'éducation et de mondialisation. Un rêve de franc-maçon nostalgique. Jacques Chirac fait un tabac. Il est vrai qu'il ne ménage pas ses compliments quand il s'adresse à l'auditoire comme à « des femmes et des hommes agissant sur l'époque ». Le président est très applaudi, plus que le Premier ministre, Lionel Jospin. Sauf qu'il est... absent. Il a envoyé un long texte dans lequel rien ne manque. Une belle « planche », de l'avis des connaisseurs. Pour se rendre populaire, il suffit donc parfois d'avoir de bons conseillers.

« En fait, assure l'un de ses proches, la franc-maçonnerie, il s'en fout. Pour lui, c'est un point d'ancrage parmi d'autres, sans plus. » Dès ses débuts ministériels, le jeune Chirac s'entoure de quelques frères influents, notamment dans le corps préfectoral, un des viviers maçonniques de la République. Ainsi, Robert Pandraud devient directeur adjoint de son cabinet au ministère de l'Intérieur. Puis Jacques Pélissier dirige son équipe quand il débarque à Matignon, en 1974, après la victoire de Giscard à la présidentielle. Cet ancien ingénieur agronome, passé par les cabinets de François Tanguy-Prigent et de Robert Lacoste sous la IVe République, connaît tout de la préfectorale. Il a représenté l'Etat de la Bretagne au Languedoc, en passant par le Lyonnais. Chirac le nomme, en 1975, patron de la SNCF. Et Pélissier reprend du service, à près de 70 ans, quand Chirac revient à Matignon, en 1986.

Dès son premier séjour à l'Hôtel Matignon, le futur président accueille aussi dans son cabinet le sous-préfet Jean- Pierre Delpont, un élève de Jacques Pélissier, ainsi que le champion olympique Guy Drut ou Jean-Claude Jolain, qui fera parler de lui, des années plus tard, comme patron des Mutuelles du Mans. Pour les connaisseurs, le taux de francs-maçons dans l'entourage ministériel chiraquien n'est pourtant pas démesuré. Mais ces deux années à Matignon sont l'occasion pour Chirac de tisser des liens plus profonds avec les « fils de la Veuve ». Jamais, sans doute, la loi Veil sur la contraception et l'avortement n'aurait pu passer sans l'appui des parlementaires francs-maçons. Le principal inspirateur de ce texte, le docteur Pierre Simon, était une sommité de la Grande Loge de France (GL). Son rapporteur, Henri Caillavet, occupait, lui, une place importante au Grand Orient. Le soutien que le Premier ministre a apporté à cette initiative politique périlleuse est resté, pour longtemps, dans la mémoire des frères.

Pour conquérir Paris, c'est une autre histoire. Longtemps sous tutelle préfectorale, la capitale emploie de nombreux maçons, regroupés au sein de la fraternelle de l'Hôtel de Ville, qui regroupe alors plus de 500 personnes. Chirac bat le rappel des amis. Philippe Dechartre, gaulliste de gauche, grande personnalité du Grand Orient de France, l'obédience laïque et progressiste, est appelé à la rescousse. Franc-maçon depuis la Libération, cet ancien résistant a rencontré Chirac en 1967, quand il était ministre dans un gouvernement de Georges Pompidou.

Dans la campagne pour l'élection du premier maire de Paris, en 1977, après la réforme du statut de la capitale, Jérôme Monod est déjà à la manoeuvre. Depuis la tour Montparnasse, où les chiraquiens préparent l'assaut, cet énarque protestant gère les invitations des obédiences aux fameuses « tenues blanches fermées », dont la règle est simple : un profane vient parler aux maçons, rien qu'aux maçons. « Je ne suis pas franc-maçon, allez-y, vous », dit Jérôme Monod à Jean-François Probst, alors jeune conseiller de l'équipe. Ils accompagnent finalement Chirac tous les deux jusqu'au temple de la Grande Loge de France, rue de Puteaux. Dîner au restaurant de l'obédience, le Club des Ecossais, où le candidat à la Mairie de Paris serre la main de nombreux parlementaires, puis discours devant les frères. Les deux conseillers n'ont pas le droit d'entrer, mais on les place dans les coulisses, où un petit trou permet d'écouter ce qui se passe à l'intérieur. « Humanisme et tolérance », c'est le thème du discours de Chirac ce soir-là, un texte écrit par Philippe Dechartre et Bernard Pons.

Pour gouverner Paris, il ne suffisait pas d'être élu. Le « troisième tour », celui qui permettait de se faire accepter par les réseaux, était peut-être le plus important. « En 1977, sur 29 adjoints à la Mairie de Paris, une bonne vingtaine étaient maçons », assure un ancien conseiller de la capitale dans « Les frères invisibles ».

1977, c'est aussi l'année où Michel Baroin, ami de Jacques Chirac, devient grand maître du Grand Orient de France. Cet ancien commissaire de police à la DST et aux Renseignements généraux a suivi un parcours insolite, puisqu'il fut patron de la Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF) avant de s'imaginer un destin présidentiel, puis de disparaître dans un étrange « accident » d'avion. L'ancien directeur des Renseignements généraux Jean-Emile Vié a écrit dans ses Mémoires que Baroin avait été envoyé au Grand Orient en service commandé par les RG. Une thèse discutable, puisque la demande d'adhésion de Baroin au GO, en 1959, est sensiblement antérieure à son entrée aux Renseignements généraux, en 1960. Avec le recul, beaucoup de membres « historiques » du GO, qui ont suivi de près l'ascension de Baroin et sont encore en poste, considèrent que, si entrisme il y eut de la part de ce grand maître atypique, il prit plutôt la forme d'une tentative d'OPA chiraquienne sur la direction de l'obédience. A la fin des années 70, le GO était une cible convoitée par tous les partis. Ses membres choisirent d'ailleurs, juste avant Baroin, le giscardien Jean-Pierre Prouteau comme grand maître, avant de pencher à gauche dans les années 80 sous la houlette du mitterrandolâtre Roger Leray.

A la Mairie de Paris, c'est aussi l'époque où les effectifs fraternels atteignent des sommets, avec l'arrivée de Didier Bariani ou d'Alain Devaquet, l'éternel conseiller de Chirac, qui dément une appartenance à la franc-maçonnerie pourtant bien établie, puisqu'il fut longtemps membre de la loge Demain, qui accueille aussi d'anciens ministres de Mitterrand.

Son échec à la présidentielle, en 1981, n'entame pas le crédit de Jacques Chirac auprès de la confrérie, bien au contraire. Tous les francs-maçons qui se reconnaissent plus ou moins dans le gaullisme ou qui n'ont pas envie de chanter « L'Internationale » sur le rythme de l'Union de la gauche trouvent bien du charme au maire de Paris. Depuis longtemps, le Carrefour de l'amitié, créé par l'industriel corrézien Eugène Chambon, radical- socialiste et chiraquien, donnait ses faveurs au futur président. Peu après la victoire de Mitterrand, de nouveaux clubs se créent. Le Cercle du 18-Juin, qui regroupe une centaine de gaullistes, mais surtout le CA 25, ou Comité d'action du 25 avril, de stricte obédience chiraquienne. Et pourquoi le 25 avril ? Parce que c'est la date de la première élection de Jacques Chirac à la Mairie de Paris. Trente maçons adhèrent d'emblée à cette drôle de fraternelle, créée par l'ancien député Michel Sy, alors membre de l'atelier Rénovation au Grand Orient de France. « Nous avons créé le CA 25 en réaction à l'élection de Mitterrand, raconte Michel Sy. A la fin des années 80, nous étions tout de même 2 000. »
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MessageSujet: Re: Jacques CHIRAC, franc-maçon ou non ?   Jacques CHIRAC, franc-maçon ou non ? EmptySam 22 Avr 2006, 4:06 pm

Citation :
La fin des années fastes

Parallèlement, Michel Sy est aussi président de la Fraternelle des hauts fonctionnaires, qui regroupe 400 sous- directeurs ou chefs de service d'administration centrale, présidents de tribunaux administratifs, magistrats de cours d'appel, inspecteurs généraux, universitaires. « Cette casquette apolitique me permettait de rabattre pour Chirac de manière plus discrète », s'amuse Michel Sy. Aujourd'hui, tout ce dispositif n'est plus que l'ombre de lui-même. Michel Sy est passé du GO à la GLNF en 1999. Les membres du CA 25 ne voient plus, depuis longtemps, le président en personne. Ils se consolent lorsqu'ils sont reçus à l'Elysée, hier par Patrick Devedjian, aujourd'hui par Roger Romani, deux hommes qu'ils considèrent comme des leurs. Pas bête, Sarkozy les a reçus au ministère de l'Intérieur, histoire de ne négliger aucun détail.

Mais les frères chiraquiens savent que les années fastes, celles où ils étaient cajolés par leur idole, sont aujourd'hui bien loin. L'arrivée de la gauche au pouvoir fut l'occasion pour certains de changer de camp, de rallier Chirac parce qu'en loge l'arrivée de ministres communistes au gouvernement n'enthousiasmait pas grand monde. Ils étaient alors accueillis avec des fleurs. L'un des financiers du Mouvement des radicaux de gauche, l'homme d'affaires Manuel Diaz, rejoint ainsi Chirac en 1983, à l'occasion des municipales. Ancien mécène de Robert Fabre, il offre alors au maire de Paris une ouverture à gauche en même temps qu'un débouché sur certains milieux d'affaires. Il est en effet administrateur-fondateur de multiples sociétés qui fleurent bon l'économie mixte, comme la Société d'études générales de constructions industrielles et civiles (Segic), la Société d'études générales pour l'aménagement du territoire (Segat), ou encore la Société d'études pour la restauration, l'hôtellerie et le commerce sur les autoroutes urbaines (Sehrcau).

Le nerf de la guerre, à Paris, ce ne sont pas seulement les élus francs-maçons, c'est le personnel. Cette armée de fonctionnaires territoriaux qui oeuvrent dans l'ombre s'occupe de la voirie, de la distribution d'eau, de la construction de parkings ou d'ouvrages municipaux. Pour mettre du liant, rien de mieux que de nommer quelques francs-maçons dans le haut encadrement. C'est ainsi que beaucoup de directeurs et chefs de cabinet qui se succèdent auprès du maire de Paris appartiennent à la confrérie.

La fraternelle de l'Hôtel de Ville est conquise par le nouveau maire, et certains de ses rouages poussent un peu loin l'esprit de service. Quand éclate l'affaire des HLM de Paris, une évidence s'impose aux magistrats chargés du dossier, à commencer par Eric Halphen : tous les protagonistes de l'affaire sont francs-maçons. « Pour obtenir un marché de la Ville de Paris, il était plus important d'être franc-maçon que d'avoir sa carte au RPR. La preuve, l'un des entrepreneurs, Jacky Chaisaz, membre du Grand Orient, était plutôt de gauche », s'amuse un connaisseur de ce dossier judiciaire, toujours pas clos. Alors que ces rouages logistiques se mettent en place, la Mairie est le camp de base de la course à l'Elysée, dont la préparation nécessite tous les moyens, toutes les énergies. Et beaucoup de francs-maçons aiment alors d'autant plus Chirac qu'ils deviennent des « déçus du socialisme ».

« Tu es gros, tu aimes bouffer... »

Car 1984 signe pour beaucoup d'entre eux la trahison de la gauche : Mitterrand recule devant la marée humaine que l'école privée parvient à faire défiler dans la rue. Le fameux « pacte laïque », auquel les frères du Grand Orient accrochaient tous leurs espoirs de peser encore un peu sur la société, part en fumée. La déception est immense.

Sur la route de l'Elysée, il y a la case Matignon. Quand il compose son gouvernement, en 1986, Chirac pense aux frères auxquels il réserve quelques portefeuilles. Ainsi dit-il au radical André Rossinot, auquel il offre le poste de ministre des Relations avec le Parlement, un univers où le port du tablier n'est pas contre-indiqué : « Tu es gros, tu es barbu, tu aimes bouffer et tu es franc- maçon. Ce poste est fait pour toi. » Mais la ferveur maçonnique ne fait pas l'élection. Malgré les tenues blanches, les cajoleries envers le Sénat, où le taux de frères demeure très élevé, Chirac est battu. Et les troupes se démobilisent pendant sept mornes années. Elles constatent que leur influence sur les grands projets législatifs est proche de zéro, mais ne croient plus en Chirac.

C'est donc une divine surprise quand apparaît, lors de la campagne de 1995, le thème de la fracture sociale dans le discours chiraquien. Le candidat fait salle comble au Grand Orient, par exemple, ce qui n'est pas toujours un signe infaillible, puisque, lors de la dernière campagne présidentielle, c'est Jean-Pierre Chevènement qui a gagné à l'applaudimètre, lors des auditions de candidats rue Cadet, siège de l'obédience.

Si le candidat Chirac a finalement été aidé par les réseaux maçonniques, c'est d'une manière inattendue, y compris de lui. En ce début d'année 1995, la guerre balladuro-chiraquienne monte d'intensité chaque jour. L'affaire Schuller-Maréchal place les électeurs devant la face la plus sombre de la politique. Pour compromettre le trop curieux juge Eric Halphen par l'intermédiaire de son beau-père (franc-maçon) Jean-Pierre Maréchal, le conseiller général (franc-maçon) de Clichy, Didier Schuller, membre, cela ne s'invente pas, de la loge Silence de la GLNF, accepte de remettre à ce dernier 1 million de francs en liquide. Il a prévenu les plus hautes autorités de l'Etat, à commencer par son mentor, Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur. Las ! la manipulation échoue. Les écoutes policières opérées sur Maréchal se révèlent illégales. Le président Mitterrand soutient publiquement le juge Halphen, qui garde l'instruction du volet parisien des Hauts-de-Seine.

Dans son livre « Je reviens » (Flammarion), Didier Schuller accuse son ami franc-maçon Francis Szpiner, avocat et conseiller de Jacques Chirac pour les « affaires », de l'avoir poussé à quitter la France précipitamment, en février 1995, en lui annonçant son arrestation imminente, ainsi que celle de sa jeune compagne. La fuite du frère Schuller fait mauvais genre pour l'équipe Balladur au pouvoir.

Aujourd'hui, à l'Elysée, Philippe Massoni, haut personnage de la Grande Loge de France, où il atteint le « 33e degré », le plus haut grade, est secrétaire général du Conseil de sécurité intérieure. Alain Devaquet est toujours là. Quant au nouveau secrétaire général, Philippe Bas, on lui prête, à tort assure-t-il, une appartenance maçonnique parce qu'il fut pendant trois ans le conseiller juridique du président Abdou Diouf à Dakar. Et l'Afrique est, comme chacun sait, une vieille terre de mission maçonnique. Les ministres ? Pas de premier couteau à tablier. D'après les comptes d'Alain Bauer, le grand maître du Grand Orient, ils seraient cinq : trois à la GLNF, un à la GL et une au Droit humain, obédience mixte. Les noms les plus fréquemment cités sont ceux de Jean-Paul Delevoye, ministre de la Fonction publique, ex-sénateur et ancien président de l'Association des maires de France - qui dément -, de Patrick Devedjian, ministre des Libertés publiques, qui aurait fait au moins un tour à la GLNF, et de Jean-François Copé, le porte-parole du gouvernement, qui aurait bénéficié du parrainage de Guy Drut, vieil habitué de la GLNF, qui a d'ailleurs légué sa circonscrïption de Meaux au jeune Copé. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, aurait été récemment initié.

Le réveil du réseau

A part l'amusement qu'il y a à jouer à « Qui en est ? », le nombre de ministres maçons n'a plus, aujourd'hui, une grande importance. Beaucoup prêtent ainsi des liens maçonniques à Jérôme Monod, le vieil ami et conseiller de Jacques Chirac. La raison ? Cet énarque protestant fut, dans une autre vie, patron de la Lyonnaise des eaux, un secteur où la fraternité n'est pas un vain mot. Et alors ? Comme l'explique un dignitaire maçon, l'appartenance à une obédience d'un grand patron ou d'un personnage politique de premier plan présente plus d'inconvénients que d'avantages. Il suffit à un homme de pouvoir d'être lui-même entouré de frères et de se comporter amicalement à l'égard de ce réseau pour obtenir sa neutralité bienveillante, sinon plus. D'ailleurs, Jean-Marie Messier non plus n'était pas maçon. Il a pourtant hérité de la plus grande compagnie des eaux française, un vivier de frères. Il a juste commis une erreur : ne pas tenir compte de ces appartenances dans ses décisions. Il a réveillé le réseau quand il s'en est pris au printemps dernier à Vivendi Environnement. Le nombre de coups de téléphone hostiles qu'il a reçus l'a surpris. Jusqu'au président de la République en personne qui l'a appelé pour le sermonner en des termes peu amènes. Au point que J6M, avant sa chute, a demandé un jour, en présence d'un tiers, à un frère notoire : « Suis-je victime d'un complot maçonnique ? » Bien sûr que non, monsieur Messier. Simplement, les réseaux existent. Parce qu'ils trouvent, dans tous les entourages, des relais efficaces, les francs-maçons sont comme tous les organismes même un peu affaiblis : attaqués, ils mobilisent, sans nuance, toutes leurs défenses immunitaires

Mode d'emploi
Ils sont officiellement plus de 130 000, en réalité entre 80 000 et 90 000. La franc-maçonnerie, comme toute institution, a tendance à gonfler ses effectifs.

Parmi la multiplicité d'obédiences, cinq d'entre elles seulement peuvent revendiquer un poids politique.
Le Grand Orient de France (GO), traditionnellement classé à gauche, est l'obédience la plus ancienne, qui regroupe environ 40 000 adhérents.
La Grande Loge nationale française (GLNF), souvent appelée « Bineau », en référence à son ancienne adresse, s'est lancée depuis une dizaine d'années dans une politique de recrutement massive. Forte de près de 30 000 frères, elle est la seule qui fasse une référence explicite à Dieu et qui soit reconnue par l'institution originelle, la Grande Loge unie d'Angleterre. Plutôt classée à droite, elle s'est montrée plus ambiguë que les autres à l'égard du Front national.
La Grande Loge de France (GL) se réfère, elle, au « grand architecte de l'Univers », ce qui lui permet d'accueillir en son sein croyants et agnostiques. Plus conservatrice que le Grand Orient, elle tend à s'en rapprocher depuis quelque temps.
L'Ordre mixte du droit humain présente le grand avantage d'admettre des femmes, qui représentent d'ailleurs plus des deux tiers de l'effectif. Elle a été créée en 1893 pour répondre au refus du Grand Orient d'accueillir des femmes.
La Grande Loge féminine de France n'existe que depuis 1945.
Les 10 000 soeurs qui s'y retrouvent ne pratiquent pas la mixité.
Quelles que soient leurs dissensions (les hiérarques du Grand Orient et de la GLNF, par exemple, ne s'apprécient guère), tous les frères pratiquent le même langage, un peu hermétique pour le profane. Réunis en atelier, ils écoutent les « planches », les exposés présentés par l'un d'entre eux sur les thèmes les plus divers.
La cotisation annuelle à la loge est appelée « capitation »

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Le mystère Raffarin
L'est-il ? L'a-t-il été ? Ignore-t-il tout, au contraire, des mystères de l'initiation ? Plusieurs francs-maçons de la Grande Loge nationale française l'assurent : Jean-Pierre Raffarin est des leurs. Il aurait été initié, au milieu des années 80, à Poitiers. C'était le début du Futuroscope, et tous ses promoteurs ou presque appartenaient au grand réseau. Parce qu'il n'était alors qu'un conseiller en communication dans la vie professionnelle, et qu'un conseiller municipal dans la vie politique, cette intronisation serait passée inaperçue.

Un haut fonctionnaire qui ignore tout de cette appartenance éventuelle s'exclame pourtant : « Jamais je n'ai vu autant de francs-maçons dans un cabinet à Matignon ! » Une réflexion qu'il convient de relativiser. D'une part, rien n'est plus difficile que de démasquer les frères avec certitude : il y a ceux qui nient, et au contraire les profanes qui feignent d'en être par amusement ou par carriérisme. Ainsi Jean-Paul Davin, conseiller parlementaire, est-il assurément franc-maçon, même s'il le dément. D'autres, en revanche, laissent planer le doute. La référence à la franc-maçonnerie, d'autre part, est là pour combler un vide : puisque l'équipe Raffarin veut représenter la France d'en bas, elle compte moins de technocrates, de membres de grands corps qu'une autre. La franc-maçonnerie vient à point combler le vide laissé en matière de réseau -
S. C. (Sophie Coignard), le point 08/11/02 - N°1573 - Page 38

Le dédain de Juppé

Quand il était à la Mairie de Paris, il fallait bien qu'il s'en accommode. Mais, comme ministre des Affaires étrangères, déjà, il s'était évadé loin de l'univers maçonnique. Ses deux principaux conseillers d'alors, Dominique de Villepin, qui occupe aujourd'hui son fauteuil, et Maurice Gourdault-Montagne, conseiller diplomatique à l'Elysée, n'avaient guère de sympathie pour les fils de la Veuve. Au point qu'un témoin les entendit, un jour, récuser une candidature à une ambassade d'un : « Ah, pas lui ! C'est un franc-maçon. »

Ce n'est pas pour rien que l'inspection des Finances, le corps d'origine du maire de Bordeaux, ne compte presque aucun franc-maçon : ce super- réseau s'est longtemps suffi à lui-même. Comme ses collègues, le « cerveau Juppé » n'a sûrement jamais éprouvé le besoin d'aller en loge pallier une carence intellectuelle. « Et puis, vous l'imaginez en train de sacrifier au rituel ? demande un de ses proches. Vous le voyez se taire pendant un an, comme le veut la règle, et écouter impassiblement des plus gradés que lui raconter, parfois, d'énormes banalités ? »

Mais, pour conquérir Bordeaux, le sévère Juppé n'allait-il pas câliner quelques frères bien implantés ? Jacques Chaban-Delmas, son prédécesseur, ne s'en était pas privé. Eh bien non. Juppé n'a fait aucune concession. Les quelques potentats maçonniques qui siégeaient au conseil municipal ont été rétrogradés ou privés de délégation d'adjoint. Le nouveau maire préfère cultiver les autres réseaux bordelais, culturels ou associatifs. Il s'invite parfois à dîner chez les uns ou les autres, ce qui ne laisse pas de surprendre. En riant, mais en appréciant la performance, certains Bordelais ont surnommé ces repas « les dîners de cons » - S. C.


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