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 L’univers est-il un songe ? Idéalisme et Solipsisme

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Stans
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L’univers est-il un songe ? Idéalisme et Solipsisme Empty
MessageSujet: L’univers est-il un songe ? Idéalisme et Solipsisme   L’univers est-il un songe ? Idéalisme et Solipsisme EmptySam 27 Déc 2014, 3:05 pm

Source : http://www.paranormal-info.com/L-univers-est-il-un-songe.html



L’univers est-il un songe ? Idéalisme et Solipsisme.

par EJD, philosophe


1) Philosophie du rêve

Le sage chinois Tchouang Tseu rêva qu’il était un papillon. Au réveil, il s’interroge, malicieux : "Suis-je vraiment ici ? Et si maintenant, c’était le papillon qui rêve qu’il est Tchouang Tseu ?" Ce récit peut nous rendre perplexes, ou amorcer une remise en cause radicale. Plus on réfléchit à la question, plus on se demande si "rêve" et "réalité" sont deux phénomènes véritablement distincts... Et si toute réalité était à l’image du rêve, une sorte de "projection cinématographique" en 3D au sein d’un vide fondamental ? Le bon sens objectera : le phénomène onirique, évanescent et instable, ne peut pas rivaliser avec la vie réelle, solide et autonome. Bien sûr, le rêve habituel, vague et chaotique, se différencie aisément de l’état de veille. La question n’a de sens que par rapport à des états oniriques singuliers, assez peu fréquents, où les caractères du rêve se rapprochent de ceux de la réalité. Si "rêve" et "réalité" sont nettement différents (même dans les cas des phénomènes oniriques les plus denses), nous reviendrons à une vision réaliste de l’univers, et réduirons le "rêve" à un stade de repos cérébral et de défoulement psychique.
Mais si la distinction entre certaines expériences de rêve particulièrement consistantes et les expériences de veille se révélait impossible ? Alors, il faudrait considérer l’univers physique comme une apparence parmi d’autres, ni plus ni moins réelle que les mondes oniriques. Nous serions en fait dans un univers multidimensionnel que nous ne percevons que lors d’états exceptionnels.

2) Comment distinguer "rêve" et "réalité" ?

Nous vivons avec l’idée que l’univers matériel est indépendant de notre esprit, et nos rêves ou nos visions, de simples "imaginations" ne subsistant pas par elles-mêmes. Cette idée repose sur les qualités que l’on attribue au monde de veille - consistant, durable, etc.- et qui semblent absentes du rêve. Quoiqu’on trouve des exceptions, comme nous allons le voir ! Il suffit parfois d’un petit fait bien attesté pour changer un paradigme scientifique. Cette séparation entre "rêve" et "réalité" n’est-elle pas sur le point d’être bouleversée, grâce aux recherches minutieuses effectuées sur le rêve ?
Essayons de bien comprendre l’enjeu : dans le monde physique, temps linéaire, séparation et lois mécaniques semblent régner . Mais si d’autres mondes, par exemple ceux qu’Henri Corbin regroupait sous le terme d’Imaginal, sont consistants, tous nos repères basculent. Il devient alors envisageable que l’homme soit un être multiple, ne prenant conscience de sa condition que fugacement, lors de grands songes, d’états de conscience élargis, etc. Chaque individu cesserait alors d’être subordonné aux seules lois du plan physique, puisqu’il existe aussi dans d’autres mondes. On le voit, la question de la mort et de la nature ultime de la personne est concernée ici au premier chef.
Quels sont les critères permettant de distinguer le monde du rêve et le monde réel ? (La suite du chapitre s’appuie sur les nombreux témoignages de rêves non-ordinaires issus de la thèse de Doctorat de philosophie de Christian Marcel Bouchet ou des recherches de Florence Ghibellini, ainsi que des différents collaborateurs de la revue Rêver.)

1. Le sentiment de réalité et la netteté des perceptions.

Certains sujets rapportent des expériences de rêve où ils ressentent la dureté des "objets", la vivacité des couleurs, la gamme des sons, avec encore plus de réalité que... dans la réalité ! La consistance du monde onirique varie énormément, dans certains rêves on perçoit même des odeurs et des goûts, dans d’autres tout semble léger et évanescent. Mais ne peut-on pas dire la même chose du monde de veille, qui suivant notre état intérieur apparaît dense ou factice ?

2. La présence des autres !

"L’existence des autres sujets" n’est pas la preuve certaine que nous sommes dans un monde réel. Il arrive de rencontrer des personnages élaborés, capables de nous surprendre ou de tenir des raisonnements complexes dans quelques rêves (et visions) tout comme dans la réalité !
Il m’est arrivé de dire à un personnage vu en rêve : "Tu n’es qu’un personnage de rêve !" Celui-ci semblait me prendre pour un fou, et réagissait un peu comme à quelqu’un dans le monde de la veille à qui j’aurais annoncé cela.
L’esprit humain a le pouvoir de créer des figures qui, ensuite, semblent vivre d’une vie propre et deviennent "indépendantes". Bien des romanciers le disent. Sans oublier les cas de personnalités multiples hautement élaborées, comme celle du fameux Billy Milligan, qui s’était scindé en 24 supersonnalités, ayant chacune son caractère, ses aptitudes, et sa mémoire "personnelle". Une de ces sous-personnalités écrivait couramment l’arabe, alors que Billy Milligan, une fois qu’il était redevenu lui-même, ne connaissait pas la langue du Prophète ! (De tels faits servent d’argument au solipsisme : la présence de personnes avec des comportements complexes dans mon champ de conscience, n’est pas une preuve qu’elles existent indépendamment de moi. Ou qu’il ne s’agit pas de mes créations inconscientes. Nous allons y venir.)

3. La continuité.

Chaque jour, je me réveille dans le même monde ; c’est ce fait têtu qui m’incline à donner le nom de "réalité" à ce monde-là plutôt qu’à un autre. Mais... il existe des "rêves continués" : durant de nombreuses nuits d’affilées, certains sujets prolongent une même histoire, avec les mêmes personnages et un environnement stable. Bien sûr, cela ne s’étend pas sur 80 ans. Mais la continuité temporelle n’est pas un élément certain : "la vie est un long rêve dont la mort est l’éveil" nous prévient un proverbe arabe. Si la seule différence entre "vie" et "rêve" est la longueur, on peut imaginer un univers poupée-russes, où à chaque fois l’on croit se réveiller pour tomber dans un autre songe, plus vaste.
D’ailleurs, les rêves de "faux éveils" existent, un sujet entendant sonner son radio-réveil, commençant à ouvrir les yeux, à se lever de son lit, d’humeur maussade... Puis peu à peu, par des détails infimes il pressent qu’il est encore dans un rêve ! On recense même certains témoignages où il y a plusieurs "faux éveils" d’affilée ! A tel point que certains rêveurs ont du mal à "sortir" du rêve, ils entrent à chaque fois dans un nouveau rêve qui débute par une séquence parfaitement banale et réaliste, dans leur décor familier...
Ces exemples tendraient à aller dans un sens inattendu. A savoir : la différence entre "monde réel" et onirique serait quantitative, mais pas qualitative. On retrouverait un peu plus de stabilité dans le monde physique, sans qu’il y ait de différences notables entre certains rêves et la réalité. Tous les faits que nous venons de passer en revue s’expliquent dans une perspective neurologique. Nous percevons la réalité par l’excitation de diverses zones cérébrales ; de même pour le rêve. Leur similitude pour la conscience est donc inévitable. Le rêve serait dû à la stimulation endogène de zones du cerveau rappelant et recomposant les souvenirs. Mais la complexité et le mouvement dans les images de rêve posent encore quelques problèmes. Comment le cerveau fait-il pour calculer des paysages entiers, avec leurs modifications insensibles de plans, de couleurs, etc. ? Admettons que la neurologie nous apportera une explication.
On ajoutera que le rêve nous fait entrer dans un monde totalement subjectif, seul face à nos créations intérieures. En effet, la psychanalyse montre les rapports entre les préoccupations inconscientes du rêveur et l’ensemble des séquences oniriques. Le rêve se réduit à une projection du psychisme personnel, contrairement au monde réel.
Même si la sensation du monde de rêve, sa densité subjective rappelle parfois le monde de veille, en revanche il existe une différence notable : contrairement au monde physique, le monde onirique reflète nos états d’âme et nos obsessions, fantasmes etc., il constitue une mise en scène de notre psychisme. Mais le réel lui-même ne met-il pas quelquefois en scène nos forces inconscientes, d’une façon inexplicable ?
Voyons deux arguments qui risquent de semer le doute. D’une part, il existe quelques phénomènes troublants, où l’individu ressent que "la réalité" extérieure coïncide avec ses processus psychiques les plus profonds. Nous voulons parler ici des coïncidences significatives, ces synchronicités qui ont passionné C.G. Jung et le célèbre physicien Wolfgang Pauli.
Un autre phénomène laisse très perplexe, et semble suggérer que le "rêve" pourrait bien être une forme de réalité plus que subjective. Il s’agit des rêves partagés. En effet, si nous sommes plusieurs à faire un même rêve, cela signifie que ce rêve échappe aux états d’âme d’une seule personne ! Il existe un petit nombre de témoignages de "rêves partagés", où deux individus se retrouvent au même moment dans une même scène onirique.
Comment interpréter de tels faits ? Si le décor du rêve et les personnages qu’on y trouve expriment seulement mes conflits intrapsychiques, comment une autre personne, qui vit des situations complètement différentes, fera-t-elle pour "construire" la même histoire que moi ? Il faut au moins supposer la télépathie entre les sujets. Mais cela ne suffit pas à rendre compte du phénomène. Comment la télépathie pourrait-elle expliquer la "création" d’un même environnement de rêve ? Ou plutôt, comment deux rêveurs feront-ils pour susciter ensemble un décor ? Il faut non seulement admettre la communication mentale, mais aussi un mystérieux pouvoir de "créer" un environnement commun ! Nous verrons un peu plus tard cette idée de "création par la pensée", qui sert de base à diverses techniques psychologiques.
Les rêves partagés restent problématiques. Contrairement à l’apparence, ils affaiblissent la thèse moniste. Ils suggérent l’existence d’un "monde intersubjectif", ou même de réalités "astrales" (théosophie, anthroposophie, etc.). Ce style de doctrines, bien loin de supprimer les séparations au profit de l’Un-sans-second, dessinent un univers architectonique, structuré en plans.

Synthèse. La grande Illusion.

Les rêveurs ont chacun son monde privé, les éveillés voient le même monde. Le phénomène de "monde partagé" existant aussi entre rêveurs, nos vieilles définitions vacillent. On ne peut distinguer certains "rêves" denses et "la réalité" ni par l’intensité des sensations, ni par l’existence de personnages complexes, ni même par l’argument de la stabilité. Cette impossibilité logique pourrait signifier que ces notions n’ont pas de sens, et que "tout est réel, tout est illusoire" . On retrouverait l’idée que l’essence de l’univers est la Grande Maya. Ou encore, que l’univers physique, aussi consistant paraît-il, est la co-création de toutes les consciences, une sorte de "grand rêve" collectif.
Reste un fait. Chacun de nous ressent de façon certaine quand il est éveillé, et quand le monde alentour appartient au réel. Seules des altérations définies - par exemple la schizoïdie - font pâlir de telles évidences basiques. La réalité de la réalité est une sensation immédiate. Ici et maintenant, je sais que je suis éveillé, sans arriver par démonstration à une telle certitude. De même, on ne peut pas prouver que les autres consciences existent, mais on peut - heureusement - le ressentir ! Il s’agit d’une impression diffuse qui indique que nous sommes dans le monde réel, et non dans un rêve.
On voit bien la faiblesse de ce résultat. Quoi ? Vous ne trouvez aucun critère autre que l’impression subjective pour différencier certains rêves particulièrement denses avec la réalité ? triomphera le philosophe idéaliste. On sait que les impressions subjectives varient et que certains mystiques pleinement conscients éprouvent que "le monde est un effet mental". A ce stade, l’argumentation idéaliste semble démontrée, à condition d’aligner des chevaliers hors de tout soupçon ! Car le panthéisme ne constitue-t-il pas une manière de fuir la réalité dans le mysticisme, les grandes visions ou la douce rêverie philosophique ? Ce serait alors en constatant les effets pervers et la stratégie vitale sous-jacente à ce type de doctrine qu’on chercherait à la "déboulonner". Mais il sera naïf de réduire tout partisan du mysticisme à un personnage asocial qui dissimule son incapacité à vivre derrière de grandes théories. L’hindouisme (et plus généralement le panthéisme) favorise peut-être le détachement du monde, mais il existe aussi des courants comme celui de Ramakrishna et de Vivekananda, qui concilient contemplation et action.
Peut-on affirmer l’identité ontologique du rêve et de la réalité sans "déréaliser" la vie ? Il semble que cela soit possible dans les voies d’éveil, qui privilégient l’attention permanente à ses sens et à ses pensées, la présence à soi-même : en bref, le contraire exact d’une fuite dans les brumes de la spéculation. "L’Éveillé" perçoit son être et le monde comme de plus en plus denses, il intensifie sa conscience jusqu’à ressentir de mieux en mieux et la réalité et le rêve.
Nous en sommes au point suivant : on ne peut distinguer certains "rêve" et la "réalité" que par une impression subjective. Les schizophrènes ressentent tout comme un "rêve" lointain et irréel qui les emprisonne ; les "éveillés" perçoivent tout - y compris les mondes qui nous échappent - comme une Réalité ultime qui les libère. La certitude des mystiques étayée par les arguments idéalistes démontrent-ils que le monde est fondamentalement un univers mental, qui reflète notre état de conscience ? Nous allons rencontrer un phénomène qui permettra de tester la thèse idéaliste. Il s’agit du rêve lucide, de plus en plus étudié aujourd’hui - même en laboratoire, par exemple au sein de l’université de Stanford par l’équipe du psychophysiologiste Stephen LaBerge .

3) Rêve Lucide et Éveil spirituel

En rêve lucide, on devient conscient du fait qu’on est en train de rêver. Cette conscience peut se manifester ; on s’écrie alors : "Tiens, ceci est sûrement un rêve !" Mais souvent "on sait" que l’on rêve, par une certitude immédiate . Voici à nouveau la question de la "qualité expérientielle" : par un certain goût indéfinissable, on sait qu’une situation est rêvée (ou réelle) . A partir de ce moment, les rêveurs lucides expérimentés peuvent agir sur le monde du rêve. Ils s’amusent et font diverses expériences : voler, réaliser ses envies et ses fantasmes , massacrer des gens (pourquoi pas, puisqu’il s’agit de "rêve" !), susciter des monstres, changer de formes... Peu à peu, ils apprennent à connaître le "monde" du rêve et ses lois, si lois il y a.
Avec la pratique, il devient de plus en plus facile d’agir sur le monde onirique. Le bon rêveur lucide (mais il y en a peu !) est presque tout-puissant en rêve - une fois qu’il a aboli de nombreuses croyances "sur le rêve". Il crée et dé-crée les objets, traverse les murs sans plus aucun effort, se tire des balles dans la tête, fait même apparaître le Soleil. La prétendue "matière astrale" semble avoir disparu. Ce sont les croyances inconscientes qui commandent : lorsque le sujet ressentait une peur résiduelle d’atteindre son intégrité en touchant à son corps de rêve, celui-ci résistait et devenait consistant.
Mais une fois les préjugés surmontés, le rêveur a peu de limites. Pourtant, je n’ai jamais entendu dire aux rêveurs lucides les plus chevronnés qu’ils n’avaient aucune limite. Il semble que même dans le monde onirique, une résistance se fasse sentir. Notons un point intéressant : plus le rêveur est lucide, et plus le monde onirique devient dense, les couleurs s’y vivifient, etc. Le rêve gagne en réalité à mesure que l’on sait son irréalité !
Qu’il s’agisse du monde onirique ou du monde physique, on retrouve les mêmes ingrédients. Ces deux mondes apparaissent plus ou moins denses et riches suivant mon état d’esprit. Et le monde onirique résiste aussi, semble indépendant et consistant jusqu’à ce que j’atteigne l’état de rêveur lucide expérimenté. Alors, dans le monde physique, que se passe-t-il si je commence à faire basculer l’impression de "consistance" de la réalité jusqu’à me sentir source de la réalité, tout comme dans un grand rêve lucide ? Si le monde était fait de la même "matière" que le rêve, une personne qui maîtriserait ce processus devrait maîtriser en partie la réalité physique par l’action directe de sa volonté.

La réalité n’est pas un rêve.

Lors des expériences dites de rêve lucide, le rêveur peut agir directement, par sa volonté, sur le décor et les personnages de son rêve ! Cette possibilité semble inaccessible dans le monde réel, démontrant qu’il y a bien une infranchissable différence de nature entre "rêve" et "réalité". Ainsi, l’ultime réalité n’est pas tissée par mes pensées, il ne s’agit pas d’une projection en 3D de mon psychisme profond ou inconscient.
La véritable preuve que "rêve" et "réalité" sont foncièrement identiques serait fournie non par une impression subjective de leur identité, mais par la capacité du sujet à agir d’une manière semblable dans ces deux mondes. Ce serait aussi la preuve que je suis une parcelle du Dieu suprême. Ceci n’étant pas le cas, toutes les théories qui assimilent la conscience humaine plutôt au Créateur qu’à une créature paraissent invalidées.
Pourtant, il existe quelques courants d’idées qui prétendent montrer de façon expérimentale que la réalité obéit aux mêmes lois que le phénomène du rêve, et se plie à la pensée . Pour démontrer cette thèse, ils s’appuient sur le phénomène d’hypnose et de synchroncité.
D’autres philosophes reprendront l’argument du rêve d’une façon encore plus radicale.

4) Pourtant, reste le solipsisme

Thèse. Solipsisme et Idéalisme.

Nous nous enfermons dans la "réalité" du monde physique comme le rêveur lorsqu’il croit à ce qu’il perçoit dans le monde onirique. "Rêve" et "réalité" se construisent de la même façon, il s’agit de processus similaires. La seule réalité est l’Un-sans-Second, ou l’Etre de Parménide, le reste appartient au royaume de l’illusion.
Le chemin consiste à s’éveiller du songe pour découvrir que l’ensemble de ce que nous percevons est un effet de notre essence suprême. Rien n’est tragique, nous ne pouvons ni mourir ni disparaître mais seulement "continuer le rêve" d’existences infinies avec leurs péripéties multiples, comme on passe d’un songe au suivant, ou décider de sortir du cycle et retrouver l’état inaltérable de l’éternité.
Pour la plupart des gens, avec leur gros bon sens, cette conception relève du mythe, simple imagination qui ne mérite même pas d’être examinée rationnellement. Au contraire, pour les partisans de l’Idéalisme, le songe est une bonne analogie de notre réalité ordinaire ; lorsqu’on réussit enfin la traversée des apparences, on découvre bien que tout est Maya, création d’images mentales.
Une des objections du bon sens est la suivante : si "Je" coïncide avec le créateur du monde, comment se fait-il que je me sente un infime individu, misérable corps charrié par la puissance torrentielle de la vie ?
Le rêve nous fait vivre chaque nuit dans un "monde" qui nous paraît extérieur, avec ses sensations, ses habitants et son espace. Parfois le rêve nous met en présence d’immensités : grandes montagnes, raz-de-marée, etc., que nous ressentons vivement et qui nous dépassent de loin ! Fait intéressant : nous faisons aussi d’horribles cauchemars, nous créant à nous-mêmes des frayeurs parfois récurrentes ... Entre autres caractères, le monde onirique contient une nette opposition intérieur/extérieur : le "moi de rêve" se sent comme un individu qui explore un environnement indépendant de lui. Si mon rêve en son entier est ma projection, l’auto-représentation psychique de mon corps dans tous ses états, il s’ensuit... ...le paradoxe du rêve.
Lors du rêve, j’expérimente l’état suivant : je suis le Tout (décors, personnages, événements...) et pourtant, en tant que rêveur, je me crois un simple élément dans le rêve. Je peux donc me sentir comme la partie d’un monde que je secrète ! Ne retrouve-t-on pas un phénomène semblable en veille ? Sans le savoir, n’est-ce pas la partie profonde de Moi qui projette l’univers, dont ensuite je me crois une infime partie ?
C’est la doctrine solipsiste, qui a été formulée tant en occident qu’en orient. Même si on reconnaît des similitudes dans l’apparence du rêve et l’apparence du monde, le bon sens considérera qu’il est totalement gratuit de les assimiler complétement, et ce pour une simple raison : dans le monde du rêve, je suis seul, alors que dans le monde de veille, il y a autrui - et la matière.
Or, nous allons aborder le grand argument du solipsisme : il est impossible de démontrer l’existence d’autrui (ni l’existence de l’ensemble de l’univers). Proposition apparemment absurde, et pourtant ! Examinons-là mieux. Je ne connais l’existence de la matière que par ma conscience. Ce que j’appelle "matière", couleur, odeur, toucher, etc., consiste en des modifications se produisant à l’intérieur de ma conscience. Même si on prétend qu’il s’agit de modifications cérébrales, il sera facile de rétorquer : "Mais comment sais-je qu’il y a un organe cérébral ? Parce que je le vois... Et qu’est-ce qui le voit ? Ma conscience ou mon oeil ? Mon œil ? Mais mon œil, par quoi puis-je le connaître ? Par ma conscience..."
En dernière analyse, et si l’on régresse jusqu’au point de départ de toute chose que l’on perçoit, on est obligé d’arriver à sa propre conscience. "La matière n’est qu’une représentation qui me vient, une sensation de l’esprit, et toute sensation est perçue par ma conscience", dira le solipsiste.
Reste l’existence des autres consciences. En état de veille je suis confronté à une multitude de personnes, avec leur volonté, leurs idées, sentiments etc. Ces êtres, tout comme les choses, expriment sans cesse leur réalité par leur résistance. Mais je n’ai pas un accès direct à la conscience d’autrui. Au niveau purement rationnel, rien ne me prouve que l’autre ressent une vie intérieure ! Je constate des signes d’émotions, l’expression d’idées, mais qu’y a-t-il derrière ces apparences ? Un chat qui se voit dans une glace peut croire qu’il rencontre un autre chat ! On le sait, des consciences apparemment élaborées se manifestent dans divers états dissociés : hallucinations, messages spirites, visions, personnalités multiples... Mon esprit a le pouvoir d’animer des personnages cohérents. Le fait que "des autres" m’apparaissent et semblent avoir leurs idées, leurs émotions etc., n’est pas une preuve qu’ils soient des êtres autonomes, persistant "hors de ma vue". Il n’y a même pas de preuve définitive que dès que je ferme les yeux, le monde devant moi continue d’être ! Il pourrait s’évaporer, pour réapparaître tout de suite dès que je rouvre les paupières, je ne le saurai jamais ! Bien sûr, ceci n’est pas encore un argument crédible, mais montre simplement une difficulté logique.
Lors de certains états particuliers, on arrive à douter de la véritable existence des autres ; c’est ce que suggère Descartes lui-même dans ses Méditations métaphysiques, lorsqu’il s’interroge sur des hommes qu’il voit passer par sa fenêtre ("Ce pourraient être des hommes fins, mus par des ressorts" etc., autrement dit : des "machines" ou des apparences sans âme). La question est d’autant plus troublante qu’en rêve aussi nous rencontrons des êtres, parfois habités d’une indéniable vie et énonçant des propos intelligents...
La seule existence dont je sois absolument certain, c’est celle de ma conscience ! disent les solipsistes. Je ne perçois le monde, les objets, les sons, les couleurs, et l’ensemble de l’univers qu’en tant que représentations qui surgissent au sein de ma propre conscience. Le pas sera franchi par quelques philosophes : "Je" suis le créateur de l’univers, en dépit d’une auto-illusion qui me fait croire que je n’en suis qu’une infime partie... (tout comme le rêveur s’illusionne et oublie qu’il est le créateur du monde onirique).
Mais quel est ce Je ? S’est-il créé lui-même ? Rétorqueront les adversaires du solipsisme.
Le solipsisme pèche par différents côtés. Voyons une objection, soulevée tant par Descartes que par Fénelon. Si je suis absolument seul, j’ai du me créer moi-même. Or je n’ai aucun souvenir de cette opération ! Ou bien, j’existe de toute éternité, et là encore je ne m’en souviens pas. Quelle est l’origine de cet étrange oubli ? Pourquoi me serais-je privé de mes pouvoirs pour m’enfermer dans l’illusion tenace d’être une petite chose misérable dans l’immense univers ? La seule explication possible amène à la doctrine du Jeu divin - la notion de Lîlâ en Inde. Je suis le Dieu créateur, et J’ai voulu m’oublier à un moment donné, pour "jouer" à être une créature limitée. Nous reviendrons sur cette explication typique en conclusion.
Le solipsisme, poussé à ses conséquences logiques, aboutit à la même conception que certaines écoles non-dualistes de l’Inde. Il devrait proposer à son tour une voie de Libération et d’éveil. Deuxième objection, la plus importante : ma conscience se constitue par le rapport à autrui. Les psychanalystes, Hegel et les philosophes de la relation ont tous remarqué que le rapport préexiste à l’individu. Avant Je, il y a toujours Je-Tu. Un Être conscient, "Je" totalement solitaire, serait une contradiction dans les termes ...
Le solipsisme est donc une philosophie datée, qui appartient à une époque où la structuration psychologique était moins bien connue. Aujourd’hui, il semble acquis que le sujet émerge par sa relation avec l’autre. (Ceci explique peut-être que le christianisme conçoive une trinité originaire, notion étrange dans un cadre pourtant monothéiste ! On retrouve aussi une Trinité créatrice en Inde.)
On était "obligé" d’adhérer au solipsisme seulement si on ignorait la valeur du ressenti profond. Certes, "prouver" rationnellement l’existence du monde extérieur et d’autrui semble une gageure. Et après ? N’y a-t-il pas des phénomènes d’empathie et d’amour qui nous donnent la certitude de communier avec d’autres consciences ? Ou à travers une œuvre d’art, ne sait-on pas que l’on rencontre immédiatement une autre sensibilité, aussi vraie et complète que la nôtre, mais qui n’est pas une projection de notre "moi" !? Le solipsisme constitue le symptôme de ce qu’il y a sans doute de maladif dans l’esprit philosophique. Il représente une réduction par l’absurde de la philosophie, montrant que si elle se développe d’une certaine façon, elle risque de s’enfermer dans un errement irrationnel. Le désir de rationalité absolue aboutit à la folie.
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