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 La Géopolitique du pétrole

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MessageSujet: La Géopolitique du pétrole   La Géopolitique du pétrole EmptyMer 30 Déc 2009, 11:21 pm

Hamide KHAMRAEV

La Géopolitique du pétrole




Table des matières

Les réserves en pétrole de la Région autonome ouïgoure du Xinjiang
Enjeux de la localisation des exploitations
L'exportation du pétrole de la Région autonome vers le reste de la Chine
Appel aux investissements occidentaux
Le Xinjiang au centre d'un faisceau de relations internationales


Texte intégral



"Parmi les minéraux que l'ont peut extraire ici, il faut noter l'or, l'argent, le cuivre, le plomb, le fer, l'alun, le soufre, le sel, le charbon, l'albâtre, l'asphalte, et diverses sortes de marbre. On trouve aussi presque partout du charbon de terre. Il faut aussi signaler le naphte en assez grande quantité…On peut dire sans exagérer qu'il y a beaucoup de ressources minières et, si des entrepreneurs hardis, disposant de capitaux comme mise de fonds, se rendaient dans la région, il pourraient tirer du sous-sol des richesses qui par leur quantité étonneraient le monde" écrivait en 1913 le consul russe Sokov dans un rapport adressé à Moscou au sujet du Turkestan Oriental1. Ni la Russie, ni l'Union Soviétique ne devaent négliger ces conseils. Les relations entre la Chine et son voisin soviétique ont été pendant tout ce siècle amplement conditionnées par la richesse du sous-sol de cette région disputée. A présent, c'est le Wall Street Journal2qui avise l'opinion occidentale, non sans exagération, “qu'avec des gisements pétroliers de 410 790 km², une réserve de pétrole de 8,2 milliards de tonnes, 2,5 millions de m3 de gaz naturel, le Turkestan Oriental est plus riche en matière premières que l'Arabie Saoudite”.
Ce pétrole qui fait l'importance géo-économique actuelle du Turkestan Oriental est au centre d'une série d'enjeux qui s'étendent du cadre régional à l'échelle de la Chine et finissent par atteindre une portée internationale.

Les réserves en pétrole de la Région autonome ouïgoure du Xinjiang



Les estimations sur le volume des réserves en pétrole du Xinjiang sont variées et parfois contradictoires. Cependant même si les chiffres sont débattus, on sait que ces réserves sont très importantes. Selon des sources chinoises, il pourrait y avoir plus de 10 milliards de tonnes dans le seul bassin du Tarim3. Les chercheurs qui travaillent dans l'espace post-soviétique, en particulier au Kazakhstan et au Kirghizistan, estiment à 20 ou 30 milliards de tonnes les ressources pétrolières que l'on pourrait, avec un financement adéquat, exploiter à la fin de ce siècle dans la Région autonome4. L'incertitude découle du fait que, si plus de 200 gisements sont connus, tous ne sont pas exploités, faute de moyens financiers et technologiques.
Le début de l'exploitation industrielle des gisements remonte à 1907 quand la production et le traitement du pétrole ont été organisés à Maitag, avec des moyens assez primitifs. C'est grâce à l'aide soviétique que des prospections permirent de découvrir en 1934 le pétrole de la région de Turfan. De 1935 à 1940, la société par action Sovkitneft formée par les gouvernements de la Chine nationaliste et de l'Union des Républiques socialistes soviétiques s'est occupée de la production et du traitement du pétrole à Maitag.
Une autre société mixte fut instituée en 1950, quand un accord sur l'exploitation commune du pétrole a été signé à la suite d'une visite de Mao à Moscou. Une équipe d'un millier de spécialistes soviétiques entreprit une vaste prospection qui permit de découvrir, en plus de Karamaï et de Turfan, plusieurs zones pétrolières dans l'arc de cercle Korla-Aksu au Nord du Taklamakan. Mais seuls les gisements de Karamaï et de Maitag furent exploités activement tandis qu'à Turfan et Qumul (ou Hami), l'exploitation ne débuta que plus tardivement, en 1959, et reste encore aujourd'hui très en-dessous de son potentiel. C'est une société mixte sino-soviétique qui a géré la prospection et l'extraction du pétrole du nord-ouest, jusqu'en 1962, date à laquelle Krouchtchev rendit à la Chine l'entière propriété et les bénéfices des richesses du sous-sol du Xinjiang.
Quant aux champs pétrolifères au nord du Tarim (Korla, Kucha, Aksu), découverts autour de 1960 par les Chinois et leurs conseillers soviétiques, ils ont été conservés en l'état. Les Soviétiques les avaient équipés en matériel technologique, mais certains puits ont été rebouchés à peine découverts, car il n'y avait ni l'argent, ni les moyens de transport adéquats pour les exploiter de façon rentable.
Plus récemment, c'est au Sud, dans la région de Kashgar, que d'importants gisements ont été découverts. L'existence de gisements non exploités autour de Khotan est évoquée sans être prouvée. On présume aussi l'existence au nord-est du Xinjiang d'un gisement dit de "Baolang" qui aurait une capacité de 380 millions de tonnes5.
Pour l'ensemble de ces gisements, les scientifiques soulignent que les principales couches pétrolières sont à une faible profondeur, ce qui facilite grandement l'extraction du pétrole. De plus, celui-ci serait d'une très bonne qualité. On prétend même, à propos du pétrole de Maitag, que “développé au début de la guerre, (…) il a produit du pétrole immédiatement bon à l'emploi. Le pétrole sortant des puits n'avait pas besoin d'être raffiné. Après passage dans une usine de surface, il pouvait être mis immédiatement dans une automobile”6.

Enjeux de la localisation des exploitations



Indépendamment des problèmes techniques ou géographiques, le choix des priorités en matière d'exploitation a répondu à des considérations politiques. L'installation d'un centre pétrolier amène des Chinois, crée des zones de peuplement à majorité han. D'autre part, il requiert une certaine sécurité politique.
Les gisements les plus anciennement exploités ont attiré de nouveaux colons. Maitag et Karamaï se trouvent dans une région au nord du Xinjiang dont la population est constituée majoritairement de Chinois han. Karamaï est même devenue une zone spéciale, dirigée directement depuis le centre, bien qu'elle soit incluse dans la région kazakhe. Elle est peuplée presque exclusivement de Han.
En revanche, le bassin du Tarim, au sud, est une zone de faible implantation chinoise où le pourcentage de population autochtone est élevé. C'est dans cette région que les dispositions séparatistes sont les plus fortes. Malgré les perspectives en matière d'exploitation pétrolière, cette insécurité potentielle décourage l'investissement de l'Etat.
Ces choix stratégiques créent un déséquilibre de développement à l'intérieur de la région nord où les zones spéciales, individualisées par leur population, la modernisation de leurs installations, et reliées entre elles par un réseau de transport, forment par contraste une économie dualiste. Une inégalité de développement s'instaure aussi entre le nord et le sud de la région. Les infrastructures, les complexes de logements ou de transports qui entourent Karamaï, maitag et Turfan ont favorablement conditionné le développement économique de la partie septentrionnale, tandis que le sud, malgré sa richesse potentielle, est resté le plus pauvre en terme de niveau de vie. Ce regroupement des richesses, interprété en fonction de la carte ethnique, crée des frustrations.
D'autre part l'installation d'un centre pétrolier, à présent que les relations inter-ethniques sont tendues, est perçue par la population locale comme l'annonce d'une arrivée massive de colons. Actuellement, alors que se pose la question du transport de pétrole du pétrole de Kashgar vers l'est, une voie de chemin de fer est en construction, qui doit relier Turfan à Kashgar. Elle a atteint Korla en 1981. Les travaux de cette voie sont la cible de fréquents attentas, car on sait que la pénétration chinoise suivra son trajet.
Ce chemin de fer qui va transporter le pétrole vers l'est renvoie à une autre question politiquement sensible : celle de l'“exportation” du pétrole du Xinjiang vers la Chine intérieure.

L'exportation du pétrole de la Région autonome vers le reste de la Chine



Dès 1959 le pétrole brut du Xinjiang a été mis en traitement dans les régions centrales de la Chine, car dès le début, l'objectif stratégique était était l'exportation du pétrole en Chine proprement dite. La question du traitement du pétrole sur place s'était à peine posée. Certes, on ne peut pas dire qu'il n'existe pas d'usines de traitement du pétrole : au nord de la région, à Ürümchi, Karamaï, Maitag, mais aussi à l'est, à Turfan, il y a des entreprises de traitement de pétrole brut. Outre cela, une partie du pétrole de la région est traité à Lanzhou dans la province de Gansu, où les capacités de production sont plus adaptées. Dans l'ensemble, le niveau de développement économique de la région, son manque d'infrastructures de transports et d'industries, sa pauvreté en main-d'œuvre qualifiée en en cadres font obstacle à l'établissement sur son territoire d'un authentique complexe industriel pétrochimique, suffisamment développé pour devenir créateur de richesse et d'emplois. La présence de ressources naturelles dans la région n'a donc pas lancé une dynamique de prospérité qui aurait contribué au développement économique de la région. En fait, les zones pétrolières se développent indépendamment du reste de la région.
Fréquent sujet de mécontentement, taxé de pillage des ressources naturelles, l'exportation du pétrole du Xinjiang vers le reste de la Chine influence les rapports entre cette région périphérique et le centre. Longtemps mal rémunérée, la vente du pétrole est réglementée depuis l'intervention du précédent gouverneur du Xinjiang, Ismail Amat. Celui-ci a demandé et obtenu que 11% des revenus du pétrole restent dans la région.
La question est d'autant plus brûlante que le pétrole du Xinjiang occupe une place stratégique dans la production pétrolière chinoise. Selon les chercheurs chinois, les ressources en pétrole dans l'ensemble du pays ne sont pas aussi importantes. Les gisements de pétrole sont concentrés au nord-est et au nord de la Chine, dans les régions maritimes et au Xinjiang. Les grands gisements du nord-est comme Daqing ont commencé à décliner depuis les années quatre-vingt7. Les chercheurs russes notent qu'il sera difficile de réduire le désiquilibre créé par la diminution de la production dans les gisements épuisés du nord-est et des régions littorales et son augmentation dans les gisements occidentaux, explorés et exploités de fraîche date. Le plus grand potentiel de ressources est concentré dans la région autonome, qui représente un énorme réservoir. D'après une conférence de presse donnée en 1993 aux investisseurs occidentaux, son pétrole représenterait presque 80 % des réserves chinoises.
C'est pourquoi toute l'infrastructure existante est destinée à transporter le pétrole vers l'est. L'enclavement du territoire de la région limite les possibilités d'exportation du pétrole vers d'autres destinations que la Chine intérieure. Un réseau de pipelines relie les plus anciens sites entre eux et à Ürümchi. De là, le pétrole est transporté par oléoduc et aussi, en grande partie, par chemin de fer8.
Mais le problème du transport continue de se poser pour l'exploitation des nouveaux champs pétrolifères, par exemple ceux du Tarim ou de la région de Kashgar. D'importants investissements en matière d'infrastructures de transport sont nécessaires. Le bassin du Tarim tout particulièrement est isolé en raison de son environnement désertique. Il faudrait près de 3 500 km d'oléoducs pour le relier aux grands centres d'industries pétrolières.

Appel aux investissements occidentaux



Devant le coût de tels projets, la Chine a tenté de faire appel aux investissements occidentaux. Une première fois en 1980, alors qu'auparavant ils exploitaient seuls les réserves du Xinjiang, les Chinois avaient été entraînés par une série de difficultés financières à solliciter des financements étrangers dans différents domaines relevant de l'exploitation des champs pétrolifères. Ils avaient essayé d'intéresser les compagnies Exxon, Shell, Atlantic Richfield et Occidental Petroleum au développement d'un champ à Kashgar et dans d'autres sites du bassin du Tarim9. Mais la proposition n'avait pas été accueillie avec enthousiasme, en raison des difficultés relevant des conditions d'exploitation (climat et environnement dans cette région désertique) et surtout des faibles possibilités de transport. Par exemple, la construction prévue d'un pipeline de 200 km traversant le bassin du Tarim n'a pas pu se réaliser. Les accords signés restèrent amplement formels.
En 1991, la signature d'un accord entre les compagnies nationales chinoise et japonaise pour l'exploitation d'un champ de 30 000 km² dans la partie sud-ouest du bassin du Tarim donna le coup d'envoi à la prospection internationale dans la région10. En février 1993, rompant un “secret du pétrole”11 jusqu'à présent jalousement gardé, le gouvernement chinois a lancé un appel d'offres aux investisseurs occidentaux en déclarant ouverts aux compagnies étrangères les champs pétrolifères du bassin du Tarim12. Des premiers travaux d'aménagement ont été réalisés, tels que l'autoroute qui traverse le désert du Taklamakan. Un contrat de 10 milliards de dollars a été signé avec une compagnie américaine pour la construction d'un oléoduc et d'une voie de chemin de fer jusqu'au port de Liaoyungang.
Avec cette implication croissante des intérêts étrangers, la géopolitique du pétrole ne se conçoit plus seulement à l'échelle de la Chine. Dès lors que le pétrole du Xinjiang n'est plus une affaire exclusivement russo-chinoise, il faut l'inscrire dans l'économie pétrolière mondiale et pour cela faire des choix stratégiques.

Le Xinjiang au centre d'un faisceau de relations internationales



La Chine occupe une position intermédiaire entre les pays d'Asie Centrale, notamment le Kazakhstan, pays pétrolier, et les pays du sud-est asiatique, en développement rapide. Ces nouveaux pays industrialisés seront dans un proche avenir les plus gros demandeurs de ressources énergétiques. La Chine intérieure, dont les réserves commencent à s'épuiser, a besoin de diversifier ses approvisionnements.
Aussi la compagnie chinoise des pétroles vient-elle de prendre des parts dans l'exploitation des champs pétrolifères kazakhs sur la Caspienne. En août 1997 le gouvernement chinois a obtenu la licence d'exploitation sur le plus grand gisement de pétrole du Kazakhstan (Aktobe), avec 60% des parts, devant les sociétés occidentales. En novembre 1997, un accord sur le pétrole, les pipelines et le gaz naturel, portant sur un montant de 9 milliards de dollars a été signé entre le ministère de l'énergie kazakh et la compâgnie nationale chinoise du pétrole. La Chine devrait investir 5 à 6 milliards dans le gaz et le pétrole des champs d'Aktobe et Ozen à l'est du Kazakhstan et obtenir une concession pour prospecter et produire13. Pour l'instant, le pétrole kazakh arrive en Chine par chemin de fer14, en attendant la construction d'un oléoduc.
Dès la visite du président du Kazakhstan en Chine en 1995, l'idée d'un contrat sur un oléoduc entre Tengiz et le port chinois de Liaoyungang avait été mise à l'ordre du jour. L'accord de 1997 prévoit la construction d'un pipeline de 3000 km coupant le Kazakhstan d'ouest en est15. Traversant ensuite le Xinjiang, cet oléoduc relierait les régions pétrolières du Kazakhstan aux ports orientaux chinois, ménageant la possibilité d'exporter le pétrole kazakh vers le Japon, la Corée, et les pays de l'Asie du Sud-Est.
C'est pourquoi le Japon s'intéresse également au pétrole du Turkestan Oriental et prépare un projet de “Route de la Soie du XXIe siècle”, prévoyant un oléoduc de 5000 km reliant l'Asie Centrale à l'Océan afin d'acheminer le pétrole des Républiques d'Asie Centrale et celui du Turkestan Oriental vers les ports d'Extrême-Orient. Ce projet devrait se réaliser dans le premier quart du XXIè siècle. Une délégation présidée par le directeur de Mitsubishi s'est rendue en Asie Centrale pour en discuter et le Japon a promis 300 millions de dollars de crédits au Kazakhstan16.
Ces projets ont le désavantage d'être extrêmement coûteux et relativement aléatoires, étant donné l'ampleur et la durée des travaux nécessaires et les conditions politiques instables dans les zones traversées par l'oléoduc. Au Kazakhstan, ils rencontrent l'opposition d'une partie de la classe politique et de l'opinion, qui craignent que ce projet n'entraîne une forte immigration chinoise et ne cause une montée du chômage local.
Après la signature du contrat sino-kazakh de novembre 1997, la Russie a proposé une solution alternative à savoir une “mise en compte mutuel” des pétroles de Sibérie, du Xinjiang et du Kazakhstan. L'idée est déjà ancienne puisqu'elle avait été discutée dans les années quarante, dès ledébut de l'exploitation à vaste échelle des pétroles de Maitag. “L'inconvénient de ce gisement est son éloignement par rapport à la Chine. Peut-être sa production pourra-t-elle être répartie en Asie centrale soviétique en échange d'une quantité égale de pétrole des puits de Sakhaline, livrée par mer.”17
Tandis que la Russie achèterait le pétrole kazakh, le pétrole de Sibérie serait vendu en Chine, ce qui présenterait l'intérêt d'une route plus courte et d'une situation politique plus stable, projet qui semble plus réaliste que le transport du pétrole du Kazakhstan vers la Chine en passant par le Turkestan Oriental. De la même façon, la Chine peut livrer son pétrole aux pays extrême-orientaux tandis que le Kazakhstan peut vendre en Occident la même quantité de pétrole pour le compte de la Chine. Cette pratique existe déjà entre le Kazakhstan et l'Iran, et elle mérite d'être discutée, car si elle offre l'incontestable avantage de supprimer les problèmes liés au tracé et à la construction des oléoducs, il exige une coopération étroite entre les pays partenaires et un calme diplomatique loin d'être toujours assuré.
Cette solution concerne surtout le pétrole de la partie nord du Xinjiang. Quant aux ressources pétrolières du sud, leurs perspectives d'exportation vers l'ouest ou vers le sud rencontrent divers problèmes géopolitiques. Une ligne de chemin de fer centrasiatique Andijan-Kashgar est en cours de construction. Elle constituerait une importante artère de communication et de transport susceptible d'assurer, si besoin était, l'exportation du pétrole vers les pays d'Asie Centrale et peut-être plus loin vers l'Occident. Mais sa construction soulève des problèmes diplomatiques entre l'Ouzbékistan qui mène les travaux et la Kirgizie adjacente, que le chemin de fer doit traverser sur plus de 100 km.
Lors de la visite de Benazir Bhutto en Ouzbékistan en 1995, de nombreux contrats commerciaux ont été signés entre l'Ouzbékistan et le Pakistan pour augmenter le volume et la facilité des échanges. Ceux-ci souffrent pour l'instant de l'absence de voie de communication entre les deux zones. La route du Karakoram qui joint le Xinjiang au Pakistan n'est pas reliée au réseau des routes qui vont vers l'Ouzbékistan. Là encore, une route et un chemin de fer s'avèrent nécessaires et le seul itinéraire possible passe par Kashgar. Il pourra également être utilisé pour le pétrole, dans le cadre d'échanges triangulaires qui vont se développer dans un proche avenir entre les trois pays.
Mais la route automobile du Karakoram, qui représente un débouché à travers le Pakistan, vers les ports de l'Océan Indien, a elle aussi un tracé soumis aux aléas de la situation diplomatiquement instable qui règne dans la région. Elle passe en effet par le Azad-Cachemir, la partie nord du Cachemire contestée entre l'Inde et le Pakistan18.
L'autre sortie vers le sud est la route automobile Xinjiang-Tibet, qui pourrait aussi servir à exporter le pétrole vers le reste de la Chine, une fois que le chemin de fer du Tibet, actuellement construit jusqu'à Gilgit, lui permettra de joindre Lhasa. Or cette route traverse le territoire contesté d'Aksai Chin, cédé à la Chine, mais revendiqué par l'Inde.
Ces litiges territoriaux ne sauraient manquer de resurgir dans toute leur acuité si les enjeux géo-économiques liés au pétrole donnent de l'importance à la région. Au centre de ces intérêts, la Région autonome ouïghour du Xinjiang prend une valeur nouvelle, non seulement aux yeux de la Chine, mais à ceux des autres acteurs régionaux ou internationaux. On interprète souvent la montée de la tension et le redoublement des troubles comme une des premières conséquences de cette “internationalisation” des enjeux du Xinjiang.

Notes

1 Documentation Française, “Un tour d'horizon”, 10/07/48.
2 Wall Street Journal, 18/02/93.
3 Cina Daily, juillet 1996.
4 “La région autonome ouigoure sur la voie de modernisation économique” (en russe), Frunze, 1990, p. 80.
5 A. Smith Albion, ICWA Letters, 31 août 1996.
6 “La plus grande province de Chine”, China Weekly Review, 10/02/50.
7 “China Frontier is New Focus of Oil Search”, The New York Times, 5 novembre 1980.
8 Van Degiun, Lao Jenfen, “La structure économique de la Chine” (en russe), Moscou, 1984, p. 284.
9 “China Frontier is New Focus of Oil Search”, The New York Times, 05/11/1980.
10 Far Eastern Economic Review, 04/03/93.
11 A. Smith Albion, ICWA Letters, 31 août 1996.
12 Carl Goldstein, “Western China Opened for Foreign Prospectors”, Far Eastern Economic Review, 04/03/1993.
13 Eurasian File, octobre 97/1, n° 84.
14 “CNPC's first kazakh oil arrives in Xinjiang”, New Europe, 9-15 novembre 1997, p. 42.
15 Eurasian File, october 97/1, n° 84.
16 A. Smith Albion, ICWA Letters, 31 août 1996.
17 “La plus grande province de Chine”, China Weekly Review, 10/02/50.
18 Jyotsna Saksena, “Une pomme de discorde avec le Pakistan, le Cachemire”, Le Monde Diplomatique, juillet 1997, pp. 18 et 19.



Pour citer cet article

Hamide KHAMRAEV, «La Géopolitique du pétrole», in Cemoti, n° 25 - Les Ouïgours au vingtième siècle, [En ligne], mis en ligne le 5 décembre 2003. URL : http://cemoti.revues.org/document58.html. Consulté le 30 décembre 2009.
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