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| Tite-Live et la révolution française (Lasalanque) | |
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Stans Fondateur
Nombre de messages : 16069 Age : 72 Localisation : Bruxelles - Département de la Dyle Langue : français Emploi/loisirs : histoire, politique Date d'inscription : 10/03/2006
| Sujet: Tite-Live et la révolution française (Lasalanque) Lun 19 Juin 2006, 2:03 pm | |
| Tite-Live et la révolution française - Citation :
- En 1789, il s'est produit un étonnant changement des français; pour la première fois dans leur Histoire, ils se sont pris pour un autre peuple, à savoir le peuple romain. Il n'était pas dans leur tempérament de tuer leur roi, qui était un père pour eux et non un tyran, ni de se noyer dans la rhétorique, la grandiloquence, l'emphase, la boursouflure, comme ils le firent pendant huit ou dix ans, ni de tuer tant de gens, ni de persécuter les chrétiens, ni de détruire les châteaux et les oeuvres d'art. De telles vulgarités, de telles horreurs ne sortent pas de Mézeray ou de Montesquieu, mais de Tite-Live. On peut dire, comme La Fontaine, qu'en l'espèce les Français ont « forcé leur talent », car c'est exactement forcer son talent que de vouloir être autre chose que ce qu'on est, et l'on ne fait rien « avec grâce ». Alors qu'il y a tant d'actions accomplies avec grâce dans l'Histoire de France, on n'en voit point dans la Révolution, où même les grands moments sont entachés de sordidité et de crime. La guillotine qui empuantissait Paris a pareillement empuanti l'Histoire.
Les Français n'ont pas attendu longtemps avant d'être punis pour avoir oublié ce qu'ils étaient, ou ce qu'était leur âme; le destin, avec sa malice habituelle, les a comblés dans leur désir de se transformer en Romains: il leur a envoyé un imperator. Qui eut pensé, en 1789, que la France, modèle des monarchies paternelles, voire paternalistes depuis tant de siècles, protégée par son antique système de gouvernement des vrais tyrans qui, eux, sortent toujours de la bourgeoisie ou du peuple, aurait soudain la lubie de devenir une résurrection ou un prolongement de l'Histoire romaine ? Montesquieu lui-même ne l'eût pas prédit car cela échappait complètement à tout principe de causalité historique.
Jean Dutourd, "le feld-maréchal von Bonaparte" - considération sur les causes de la grandeur des Français et de leur décadence (Flammarion 1996)
Ce qu'avait fort bien vu avant lui Gosselin dit Lenôtre, le très grand historien, le "Balzac" de la révolution française, celui que tous ceux qui écrivent sur cette période ont copié ou pillé, y compris les cinéastes, père spirituel d'André Castelot et d'Alain Decaux
Il s'était opéré à Louis le grand une, depuis la suppression des jésuites, une singulière modification dans l'esprit des études. Sous leur direction, les classiques grecs et romains n'étaient offerts comme modèles qu'au point de vue purement esthétique, de l'expression et de la forme; la part faite dans l'éducation .au respect de la tradition catholique tempérait, d'ailleurs, l'exaltation que peut faire naître dans de jeunes esprits la fréquentation journalière des héros de l'Antiquité. En succédant à la célèbre Compagnie dans la régence du collège, l'Université ne sut pas éviter l'écueil. Trop exclusivement prônées, Sparte et Rome, dans l'amour des élèves, prirent le pas sur la France. Camille l'a dit lui-même: «On nous élevait dans la fierté de la république pour vivre dans l'abjection de la monarchie et sous le règne des Claude et des Vitellius! Gouvernement insensé qui croyait que nous pouvions nous enthousiasmer pour les Pères de la Patrie, du Capitole, sans prendre en horreur les mangeurs d'hommes de Versailles et admirer le passé sans condamner le présent. » Pourra-t-on jamais dire la l'art de responsabilité qui, dans la psychologie des hommes de la Révolution, revient à cette admiration inconsidérée de J'Antiquité? Ces législateurs, nourris de Tite-Live et de Tacite, ce n'est pas Louis XVI, c'est Tarquin qu'ils jugeront. Ce qu'ils croiront imiter, ce sont les vertus sauvages de Brutus et de Caton; la vie humaine ne comptera pas pour ces classiques accoutumés aux hécatombes païennes; Charlotte Corday, elle-même, se réclamera de Cinna, et soyez convaincus que, lorsque le conventionnel Javogue se promènera nu dans les rues de Feurs, il se prendra naïvement pour un antique. C'est donc un jeune Romain (1) que le coche de Noyon déposa, aux vacances, devant la porte de M. Desmoulins. Camille avait largement profité de sa première année d'études: il parlait beaucoup de Cicéron, s'attendrissait à la mort des Gracques, et maudissait la mémoire du tyran de Syracuse.
G. Lenôtre, "Vieilles maisons, vieux papiers" tome 1, Camille Desmoulins - Perrin | |
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