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| Le gouvernement invisible | |
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Stans Fondateur
Nombre de messages : 16069 Age : 72 Localisation : Bruxelles - Département de la Dyle Langue : français Emploi/loisirs : histoire, politique Date d'inscription : 10/03/2006
| Sujet: Le gouvernement invisible Mer 29 Mar 2006, 1:48 pm | |
| Source : http://www.callisto.si.usherb.ca/~fouduroi/lm/lm12.htm Essai sur le gouvernement invisible - Citation :
- Dorénavant, le débat gauche/droite n'est plus de ce monde. Du moins, plus au plan mondial. Cette affirmation n'est pas nouvelle, on nous la rabâche depuis la chute du mur de Berlin. Cependant, cette question va beaucoup plus loin que ce que l'on veut nous laisser entendre. Ce n'est pas la victoire d'une des deux positions idéologiques sur l'autre, mais une déviation du débat vers une position plus globale, plus universelle. Et ce n'est pas parce que les États "socialistes" tombent les uns après les autres que je l'affirme, bien au contraire, mais parce que le politique, dans tout ce qu'il comporte, perd peu à peu de sa valeur et de sa substance au profit d'un langage de la rationalité et des capitaux. Le débat gauche / droite s'inscrivait dans l'optique des valeurs de la révolution française: liberté, égalité, fraternité. La liberté étant le cheval de bataille de la "droite", l'égalité celui de la "gauche". Nous en sommes peut-être rendus à l'heure de la fraternité, à l'heure où l'union de tous contre un adversaire commun est rendu nécessaire. Cet adversaire commun se dessine sous nos yeux prenant la forme d'un spectre mondial qui impose peu à peu son diktat sur les différentes nations du monde.
Le diktat
Ce diktat vient de la déviation du principe même du social et de la place plus grande que prend aujourd'hui l'économie dans la sphère de la prise des décisions. En un mot, le propre du politique, soit l'exercice du pouvoir "sur un territoire donné par une organisation administrative qui dispose de la menace et du recours à la violence physique"1 , glisse tranquillement des mains de l'État-nation vers celle d'un état "supranational" qu'incarnent de plus en plus les grandes institutions internationales.
D'entrée de jeu, pour bien concevoir ce phénomène, il est important de bien comprendre l'expression de sa première manifestation soit la déviation du principe du social. Les grands systèmes sociaux sont nés d'un besoin (réel ou artificiel) de prise en charge par un groupe de certains individus "défaillants", du point de vue de la masse, de la conformitÉ. De ce principe est nÉe la première organisation sociale proprement dite. Une organisation qui prenait la charge, pour notre exemple, des invalides, des orphelins ou de tout autre "mésadapté" de la société pour leur rendre la vie meilleure et soulager ainsi la responsabilité de l'entourage. Par extension et complexification du processus, les formes d'organisation sociale sont nées, chapeautées la plupart du temps par le monde politique. Donc, le propre d'un système social était en quelque sorte de répondre aux besoins spécifiques des membres "non-conformes" de la société pour en faciliter (ou permettre) la vie.
Dans notre société technologique, la conception de la société revêt la valeur matérielle comme système de référence. Et cette conception est omniprésente. Le rôle de notre système social fut perverti et est maintenant de pallier les facteurs nuisibles de la société et de leur permettre, à plus ou moins long terme, de la réintégrer et de devenir des facteurs productifs. Sinon, de ne plus être nuisibles à son développement. L'assurance- chômage, la sécurité du revenu, l'assurance-maladie et pourquoi pas aussi l'éducation remplissent assez bien cette fonction. Les moyens dont disposent les différents preneurs de décisions socio-économiques pour arriver à cette fin sont nombreux, mais leur énumération ne ferait que nous éloigner encore plus de notre sujet. Résumons donc en cette phrase nos propos: de fonction "humanitaire" qu'avait l'organisation sociale fondamentale, elle est réduite aujourd'hui à un vecteur économique qui n'agit que pour une plus grande capacité de production, une plus grande recherche du profit.
Un spectre? C'est en additionnant le raffinement et la complexification des rapports politiques avec l'avènement toujours plus grand du règne des capitaux que nous voyons se dessiner peu à peu un diktat mondial. Les grandes institutions internationales en sont l'illustration. On nous parle depuis quelques années du nouveau rôle de l'ONU. Un discours toujours plus interventionniste, plus "humanitaire", mais surtout des actions plus au service de ceux qui la dirigent. Par l'ingérence des institutions économiques internationales (principalement FMI et Banque Mondiale), les politiques économiques et sociales de plusieurs pays dits "défavorisés" sont aujourd'hui dictées de l'extérieur. À coup de discours et de mesures néo-libérales, la loi du profit asseoit sa domination sur le monde, non plus au profit de l'état-nation, mais au profit des grands capitaux. En fait, pendant plusieurs années, la globalité des pays du "tiers-monde" a retourné aux grands financiers internationaux, par leur service de la dette, plus d'argent qu'elle n'en recevait en aide réelle.
Et c'est là que les problèmes commencent. Si on accepte de considérer que le politique a pour but ultime le bien commun2, et qu'au plan humain, le système social répond À ce besoin, en détournant le but des premières organisations sociales, on détourne par le fait même le but du politique. (De bien commun, il devient croissance économique et progrès sans tenir compte de la réalité quotidienne de l'ensemble de la population.) En fait, le but du politique est en apparence toujours le bien commun, sauf qu'aujourd'hui, le bien commun se calcule en frais de statistiques et de vie économique. La valeur humaine semble être oubliée. Souvenons-nous seulement du miracle brésilien du début des années 80 où les statistiques annonçaient une croissance et une puissance économique phénoménale, mais où la population était confrontée à des conditions de vie misérables. Sur papier, les dirigeants de ce pays avaient grandement rempli leur fonction, mais dans la vie de tous les jours, très peu en bénéficiaient.
Chez-nous aussi, cette influence se fait sentir. Les discours politiques sont à l'heure de la rationalisation, des coupures dans les services sociaux, du contrôle de la dette, du désengagement de l'état, toutes des mesures qui ressemblent étrangement aux politiques d'ajustement structurelles du FMI. Cette influence est d'autant plus vraisemblable que le directeur de la Banque Mondiale servait un amer avertissement au Canada dans son rapport de l'an dernier à cause de la générosité trop grande de notre système et de notre taux d'endettement toujours plus grand.3
Dépendant du crédit, nous sommes de moins en moins libres des actions politiques à l'intérieur même de nos frontières. Et par le fait même, la place et l'influence que nous laissons aux financiers internationaux, ce spectre de gouvernement mondial dirigé par la loi du profit, ne s'en trouvent que plus grandes. Chez-nous, comme au plan mondial, il semble que l'emprise de l'étalon "économique" sur le politique soit analogue À l'influence qu'il a sur le social. Ceci constitue un mauvais présage pour les moins égaux d'entre nous et plus particulièrement pour les bénéficiaires des services qui seront inévitablement coupés car trop coûteux et non productifs. David Ayotte 1 Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971, tome 1, p. 57. 2 Julien Freund, Qu'est-ce que la politique?, Seuil, France, 1967, p. 38-39. 3 La Presse, 22 avril 1993, p. E3. | |
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