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| L'après-Belgique | |
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Stans Fondateur
Nombre de messages : 16069 Age : 72 Localisation : Bruxelles - Département de la Dyle Langue : français Emploi/loisirs : histoire, politique Date d'inscription : 10/03/2006
| Sujet: L'après-Belgique Mar 14 Sep 2010, 10:20 pm | |
| Source : http://levif.rnews.be/fr/news/actualite/belgique/l-apres-belgique-a-l-agenda-francophone/article-1194817022494.htm?utm_source=Newsletter-14-09-2010&utm_medium=Email&utm_campaign=Newsletter-Site-LeVif-FR-fr# mardi 14 septembre 2010 à 10h34 L'après-Belgique à l'agenda francophone La Belgique part en vrille et pique dangereusement du nez. Poussés dans le dos par une Flandre toujours plus nationaliste, les francophones se préparent au grand saut dans l'inconnu. Wallons et Bruxellois se résignent à un plan B pour surmonter la peur du vide. Et amortir la chute. © Photomontage Par Pierre Havaux - Citation :
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Ils ont arrêté de chasser de leurs esprits la pensée obscène. Ils renoncent à se pincer pour s'assurer qu'ils ne font qu'un mauvais rêve : une Belgique proche de l'état de mort clinique, à la merci d'une Flandre nationaliste prête à débrancher la prise, et dont il faudra se résoudre tôt ou tard à porter le deuil. Alors que la messe est encore loin d'être dite, un choeur de ténors francophones, tous PS, vient d'entonner un requiem détonant. Chacun à leur manière, avec toutes les précautions oratoires, Laurette Onkelinx, Philippe Moureaux, Rudy Demotte ou encore Charles Picqué sonnent le tocsin, et quasiment le glas, de la patrie belge en danger. « Oui, il faut se préparer à la fin de la Belgique. Sinon, on risque d'être les dindons de la farce », « on va peut-être entrer dans l'organisation progressive de la séparation », « il est certain que nous devons nous prendre en main nous-mêmes ». A bon entendeur : ce royaume en panne prolongée sent le sapin, il est temps de songer à une autre vie.
Voilà qui en jette. Qui décoiffe. Et qui a produit modestement l'effet recherché : rendre une Flandre politique et médiatique perplexe devant des accents séparatistes dont elle se réserve habituellement le monopole. Le nord du pays préfère mettre ce coup de gueule sur le compte d'une déception passagère. Dans la tonalité d'un Elio Di Rupo, préformateur à l'agonie, y allant d'un lugubre « J'espère que nous continuerons à vivre ensemble en paix et prospérité. » Comme si la chose n'allait plus de soi. Info, intox ? Le joli tir groupé socialiste sent la manoeuvre politique à plein nez. Le PS, mâle dominant dans le sud du pays, fait le coq wallon. Planté sur ses ergots, face à des nationalistes flamands qui jouent aux vierges effarouchées, trop malins pour tomber dans le piège de l'escalade. « Même pas peur », réagit la Flandre, qui peine à prendre la menace au sérieux. Côté francophone aussi, on a de gros doutes. Comme au MR, sur la touche des négociations politiques : « Je ne crois pas à la sincérité des socialistes qui se sont exprimés de cette façon. Ils veulent faire peur aux francophones à un point tel que ce qu'ils accepteront par la suite apparaîtra comme une solution, un soulagement », décode le sénateur Richard Miller. Ce ne serait là que vaines paroles, inutilement dangereuses : « une erreur politique lourde. Une femme battue qui s'en va se met en tort en quittant le domicile conjugal... », s'épouvante un élu CDH. Parler de l'issue fatale porterait malheur : « C'est le risque de créer la situation que l'on veut éviter », relève Pierre Verjans, politologue à l'université de Liège. Le déclic des régionales de 2004
Bluffer n'interdit cependant pas de cogiter. Cette Belgique qui se dérobe sous leurs yeux et leurs pieds ne laisse plus sans réaction les milieux francophones. Politologue à l'ULB, Pascal Delwit fait remonter le début du sursaut aux élections régionales de 2004. Le Vlaams Belang y décroche 24 % des voix. Un choc. Un déclic. « La prise de conscience d'une évolution en Flandre que les événements politiques suivants n'ont jamais démentie. » Le PS n'a pas le monopole de la réflexion. 2006, au congrès MR, le président Didier Reynders invite à donner aux Wallons et aux Bruxellois « une patrie francophone à leur faire aimer ». Une vraie « patrie de substitution », souligne un édito du magazine du FDF Perspectives francophones : « Dans le camp francophone, certaines forces politiques continuent à s'arc-bouter à l'Etat fédéral en croyant naïvement qu'il est le garant des intérêts des Wallons et des Bruxellois (...) Alors, le moment n'est-il pas venu de se donner un pays, comme on dit au Québec. » La quête de nouveaux horizons interpelle des carrures de la politique. Daniel Ducarme, ministre d'Etat récemment disparu, pliait bagage vers le Sud : « Le cadre belge n'existe plus. Nous ne serons pas français, mais belges français », confiait-il en juillet dernier au Vif/L'Express dans ce qui fait aujourd'hui figure de testament politique. Un espace francophone associéà la France : projet audacieux, inachevé, mais porté par le président du MR-International. Excusez du peu. « Une démarche toute personnelle, qui n'a jamais été débattue en interne », tempère-t-on au MR. Mais qui n'a jamais été désavouée non plus. Cela phosphore donc derrière les lignes francophones. « Depuis trois ou quatre ans, face aux exigences flamandes de plus en plus insistantes, un processus de construction identitaire toujours plus marqué rejaillit dans certains propos politiques », confirme Pierre Vercauteren, politologue aux FUCAM.
La roue tourne, s'accélère. Mais elle maintient encore les francophones sur la voie de la Belgique, à laquelle ils s'accrochent avec l'énergie du désespoir. Par réflexe de survie. « Les francophones considèrent sincèrement qu'il y a encore un sens à l'Etat belge », relève Pascal Delwit. Et c'est bien l'avis de la vox populi dans le sud du pays. « Le monde politique francophone reste en phase avec l'Etat belge parce que la plus grande partie de la population francophone l'est aussi », observe Pierre Vercauteren. « Il n'a pas reçu mandat de l'électeur pour négocier la séparation du pays », embraie Pierre Verjans. Pourtant le vent, à force de charrier les aspirations nationalistes flamandes, se mettrait à tourner dans les chaumières francophones. « Je suis surpris de découvrir les réactions de personnes qui estiment qu'il faut en finir. Qui refusent de subir ce que les chefs de gouvernement français et anglais Daladier et Chamberlain ont obtenu de Hitler en 1938 : le déshonneur et la guerre », confie un mandataire MR désormais acquis à l'idée de « rendre leur liberté aux Flamands s'ils la souhaitent ». Une coopération entre partis et universités
Avoir raison trop tôt relève du suicide politique. Avant de pouvoir annoncer aux francophones un salut possible hors de la Belgique, il faut d'abord surmonter la peur du vide. L'angoisse de la feuille blanche. C'est tout le sens d'un plan B qui fait couler tellement d'encre. Cette mystérieuse alternative évoquée par le président du PS à la veille du scrutin du 13 juin... et du triomphe de la N-VA de Bart De Wever. Si, d'aventure, l'irrémédiable devait se produire avec la Flandre, « les formations politiques francophones seraient capables de répondre à une telle situation. Mais n'allons pas parler de choses qui pourraient se produire dans trois ou cinq ans », confiait Elio Di Rupo, passé maître dans l'art d'en dire trop ou pas assez. Trois à cinq ans : autant dire demain.
Paroles en l'air ? Parole aux experts. On pourrait les supposer sur la brèche, occupés à bâtir à l'intention des Wallons et des Bruxellois une nouvelle construction sur les ruines d'une défunte Belgique. « C'est le genre de questions à laquelle on ne répond pas », esquive avec le sourire Christian Behrendt, constitutionnaliste à l'université de Liège et abonné aux débats institutionnels. Dans une touchante unanimité, les partis francophones démentent toute existence d'un plan B prêt à l'emploi. Promis juré : pas de feuille de route planquée dans un coffre-fort ferméà double tour. Le secret d'Etat est en partie un secret de Polichinelle. Une scission possible du pays et ses dégâts collatéraux sur l'espace francophone s'étudient au sein d'un groupe baptisé 4P3U : les quatre partis francophones (PS, MR, CDH, Ecolo) et trois universités (ULB, UCL et ULg) collectent données financières, budgétaires, socio-économiques, démographiques. Elaborent modèles et simulations. Soumettent à des « stress tests » la solidité d'un éventuel Etat Wallonie-Bruxelles. Fragile bonne nouvelle : le coup serait jouable. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Et certains ont depuis longtemps pris les devants : « La fin de la Belgique ? Préparons-nous ! » lançait dès 2002 l'économiste des Facultés universitaires de Namur Robert Deschamps. Quand le professeur émérite de l'UCL Michel Quévit passe en revue en 2008 les alternatives au scénario d'éclatement de la Belgique, sa note ne tombe pas dans l'oubli. Certains en font un devoir de précaution : « face à un agenda flamand qui n'est même plus caché, il est temps de plancher sur des scénarios d'ici 10 à 20 ans. Bien se préparer est une nécessité. Les francophones n'étaient pas partisans de la scission de BHV : nous y sommes », souligne Giuseppe Pagano, spécialiste en finances publiques à l'université de Mons-Hainaut. Plus complexe, un avenir à deux
Cette activation des cellules grises ne livre pas encore un destin francophone politiquement tout tracé, et encore moins assumé. « A voir la manière dont les partis francophones ont été si peu capables de prévoir l'évolution politique du pays depuis 2007, on peut douter qu'ils soient devenus des génies de l'anticipation », sourit Pierre Verjans. Un ponte du MR le déplore amèrement : « La génération actuelle des hommes et femmes politiques francophones a passé plus de temps à se haïr qu'à s'inscrire dans une vision des intérêts supérieurs des francophones et à présupposer la lame de fond nationaliste flamande. » Le constitutionnaliste Christian Behrendt plaide des circonstances atténuantes : « S'il est en théorie possible pour un politique flamand d'envisager un Etat flamand sans Bruxelles, aucun parti francophone ne peut concevoir l'après-Belgique sans une réflexion sur Bruxelles : dessiner un avenir à deux est toujours plus complexe. » Un axe fort Wallonie-Bruxelles : c'était bien l'ambition d'un Groupe Wallonie-Bruxelles, installé par le monde politique francophone en pleine crise politique de 2007, en réponse au possible éclatement du pays. Bel effort d'anticipation, mais maigre bilan : une appellation Fédération Wallonie-Bruxelles, en guise de signal clair aux partis flamands. Mais ce premier signe timide a depuis été suivi d'autres avancées : à pas parfois feutrés, les dirigeants politiques bruxellois et wallons serrent les rangs et les boulons de leurs institutions, histoire d'encaisser un possible choc venu du Nord.
Pousser dès à présent l'exercice plus loin, c'est s'aventurer en terrain inconnu. C'est ouvrir des chantiers diplomatiquement explosifs. Explorer la piste française en guise de solution de repli ne fait pas l'unanimité chez les francophones. Il est aussi impensable à ce stade de l'envisager ouvertement. « On peut difficilement concevoir un plan élaboré quand on ne connaît ni le moment ni les circonstances d'une éventuelle rupture », insiste le Pr Pierre Vercauteren. Les francophones puisent de bonnes raisons de ne pas brûler les étapes dans la conviction qu'une scission du pays ne sera jamais brutale mais leur laissera le temps de se retourner. Et de faire chèrement payer un coûteux divorce.
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