Affaire Leonarda : Hollande parle, les critiques pleuvent
Avec l'AFP 20 octobre 2013 à 10:48
L'intervention télévisée de François Hollande, samedi 19 octobre depuis l'Elysée, à propos de l'affaire Léonarda. (AFP)
Ce n’est que la dernière accusation en date. «
Honte à François Hollande de faire passer les revendications minoritaires avant les intérêts de la majorité des Français! Honte à lui de contourner les lois de la République!», s’exclame Bruno Le Maire, député UMP et ancien ministre dans le JDD, ce dimanche. Selon lui, «
François Hollande a agi en chef de parti et pas en chef d’Etat». Une accusation prévisible, qui vient de l’opposition, mais qui rejoint le cortège de critiques venant de toutes parts, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par les associations et la police – pour des raisons diverses voire opposées. Seuls quelques ténors socialistes défendent la position «humaniste» du chef de l’Etat.
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Le mauvais choix de Hollande
Par Fabrice Rousselot
Et pourtant, sa parole était attendue. François Hollande a rompu samedi un long silence sur l’affaire Leonarda, offrant à la collégienne de rentrer en France sans sa famille expulsée au Kosovo, un jugement de Salomon censé mettre fin à une intense polémique mais qui n’a pas satisfait grand monde, même à gauche.
«
Si elle en fait la demande, compte tenu des circonstances […] un accueil lui sera réservé (en France), et à elle seule», a tranché le chef de l’Etat, seul face à une caméra sous les ors de la Salle des fêtes de l’Elysée. «
Le geste du Président est un geste de générosité pour Leonarda mais la famille ne reviendra pas…», a martelé le ministre de l’Intérieur Manuel Valls dans une interview au JDD.
La proposition présidentielle a été immédiatement repoussée par l’adolescente de 15 ans depuis le Kosovo. «
Je n’irai pas seule en France, je n’abandonnerai pas ma famille», a répliqué Leonarda Dibrani, soulignant qu’elle n’était «
pas la seule à devoir aller à l’école» parmi ses cinq frères et soeurs expulsés avec ses parents une dizaine de jours plus tôt.
Seconde annonce présidentielle: les arrestations d’enfants dans le cadre scolaire seront désormais «
prohibées» quelles qu’en soient les circonstances, à l’intérieur ou hors des établissements. Valls a adressé samedi soir aux préfets une circulaire en ce sens. Désormais, la «
protection» du cadre scolaire «
s’étend au temps périscolaire et aux activités organisées par les structures destinées à l’accueil collectif des mineurs», selon le texte de cette instruction transmis à l’AFP.
Mais la démonstration d’ascendant présidentiel a été mise à mal par le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, en personne. «
Tous les enfants de la famille de Leonarda (doivent pouvoir) finir leurs études en France accompagnés de leur mère», a-t-il déclaré à l’AFP.
Le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon qui avait «
exigé» la démission de Manuel Valls, a jugé d’une «
cruauté abjecte» le fait de sommer une jeune collégienne de «
choisir entre vivre en famille ou revenir seule en France poursuivre ses études». Le chef de l’Etat a commis une «
grave faute politique et morale», a renchéri le Parti communiste. «
C’est inhumain, indécent et illégal», a ajouté l’association la Voix des Roms.
François Hollande «
a porté un coup terrible à l’autorité de l’Etat», a affirmé le président de l’UMP Jean-François Copé. François Fillon (UMP) a «
regretté l’indécision caricaturale» de M. Hollande qui, «
à force de chercher des synthèses, apparaît ambigu face à l’immigration irrégulière et lâche par rapport à une adolescente condamnée à choisir entre la France et sa famille».
Quant au Réseau éducation sans frontières (RESF), qui a révélé l’affaire Leonarda, il a accusé samedi le président François Hollande d’être intervenu «
à la télé pour démembrer une famille».
Enfin, plusieurs syndicats de police ont contesté samedi le «
manque de discernement» reproché aux forces de l’ordre.
La décision «
discrétionnaire» du président relève d’un «
choix humanitaire», oppose-t-on à l’Elysée où l’on juge «
extravagante» l’avalanche de critiques. Quant au silence prolongé du chef de l’Etat, il serait l’expression d’une «
volonté de rester maître de son calendrier».
Autre argument avancé par la présidence: un retour de toute la famille en France reviendrait à «
s’asseoir sur les décisions de justice» qui ont autorisé son expulsion.
Une communication soigneusement orchestrée L’épisode rappelle l’annonce du plan de «
moralisation de la vie publique» après l’affaire Cahuzac, quand ces mesures solennellement annoncées par François Hollande depuis l’Elysée se sont heurtées aux critiques du président (PS) de l’Assemblée Claude Bartolone.
Samedi matin, l’Elysée avait pourtant soigneusement orchestré la communication de l’exécutif. Rentré précipitamment des Antilles pour prendre connaissance du rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) sur les circonstances de l’expulsion de la collégienne, Manuel Valls a fait son entrée au Palais présidentiel par une porte dérobée.
Il y a rejoint, autour du chef de l’Etat, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon qui ont, comme lui, discrètement quitté le palais présidentiel, une manière de ne pas donner à cette réunion de travail les allures d’une réunion de crise.
Selon François Hollande qui a repris à son compte les conclusions du rapport d’enquête, l’administration n’a pas commis de «
faute» dans cette affaire, mais fait preuve d’un «
manque de discernement dans l’exécution de l’opération», l’adolescente ayant été interpellée par la police en pleine sortie scolaire avec sa classe.
«
Les critiques ne m’atteignent pas», affirme pour sa part Valls au JDD après des jours de polémiques et de manifestations. «
Je ne répondrai pas aux attaques stériles», ajoute-t-il. «
Quand elles viennent de notre propre camp, je le déplore, car cela nous affaiblit collectivement». «
Rien ne me détournera de mon cap», conclut-il.
Des milliers de lycéens ont manifesté jeudi et vendredi pour réclamer le retour de la collégienne ainsi que celui de Khatchik Kachatryan, un élève arménien de 19 ans expulsé il y a une semaine. Quelque 500 lycéens parisiens sont encore descendus dans la rue samedi, malgré le début des vacances scolaires.
Avec l'AFP