SARKOZY au Gabon

Source : http://www.lefigaro.fr/international/20070728.FIG000000789_sarkozy_au_gabon_refuse_de_stigmatiser_la_colonisation.html

Sarkozy au Gabon refuse de stigmatiser la colonisation

De notre envoyé spécial à Libreville BRUNO JEUDY. Publié le 28 juillet 2007

Actualisé le 28 juillet 2007 : 20h37

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Le chef de l'État a rendu visite à Omar Bongo, allié traditionnel de la France sur le continent noir.

Retour aux fondamentaux : comme Jacques Chirac en juillet 1995, Nicolas Sarkozy s'est senti obligé, au lendemain de son élection, de faire escale au Gabon, puissance pétrolière où la France compte d'importants intérêts économiques, financiers et militaires. Désireux d'incarner aussi en Afrique la rupture, le président de la République a hésité avant d'inclure l'étape de Libreville dans sa tournée africaine. Mais il n'a pas voulu « humilier », selon son expression, Omar Bongo, 71 ans, doyen des chefs d'État africains. « En Afrique, le doyen, ça compte », a expliqué Nicolas Sarkozy.

Le président gabonais fête cette année ses quarante années de pouvoir. Record d'Afrique battu. Précédé d'une réputation sulfureuse, il a fait des pieds et des mains pour arracher cette visite. Il s'est déplacé deux fois à l'Élysée depuis l'installation de Nicolas Sarkozy et a fait savoir qu'il vivrait très mal le fait que Paris contourne Libreville.

Nicolas Sarkozy, qui n'était jamais venu au Gabon, y a donc achevé hier sa tournée qui l'a mené à Tripoli, puis à Dakar. Au pied de la passerelle de l'avion, l'accolade entre les deux dirigeants fut sans chaleur. Le président gabonais avait pourtant vu les choses en grand. À l'aéroport, ses partisans agitaient par milliers des drapeaux français, en chantant « vive la France de Sarkozy, vive l'amitié franco-gabonaise ». Dans Libreville, des affiches proclamaient tout les cent mètres « l'amitié indéfectible » entre Bongo et Sarkozy.

Visage crispé, le chef de l'État s'est plié sans plaisir à cette mise en scène. Au palais présidentiel, il est revenu, en présence d'Omar Bongo, sur les raisons de sa visite. « Le Gabon est un partenaire privilégié de la France, au-delà de toutes les alternances politiques », a-t-il rappelé en énumérant les noms de ses cinq prédécesseurs. « Quelle que soit la couleur politique de la majorité en France, le Gabon est un ami traditionnel », a-t-il souligné. Il a même estimé qu'en Afrique, le pays d'Omar Bongo n'était pas « le pays qui avait le plus à rougir du fonctionnement de sa démocratie ».

Enquêtes judiciaires

Interrogé sur les enquêtes ouvertes par la justice française sur les biens immobiliers de dirigeants africains en France, parmi lesquels Omar Bongo, Nicolas Sarkozy a lâché : « Si, à chaque fois qu'il y avait des enquêtes, il fallait arrêter nos relations, on ne les aurait pas arrêtées seulement du côté africain ; si vous voyez ce que je veux dire... » Une allusion à Jacques Chirac et aux ennuis judiciaires qui ont empoisonné ses deux mandats.

Au moment où Dominique de Villepin était mis en examen à Paris - une affaire sur laquelle il a refusé de s'exprimer -, Nicolas Sarkozy a mis en garde à sa façon ceux qui seraient tentés de lui faire la leçon. Il a aussi réfuté les critiques adressées à son discours « à la jeunesse africaine » prononcé la veille à Dakar, y voyant le témoignage de la pluralité démocratique sénégalaise : « On ne va pas se plaindre qu'il n'y ait pas assez de démocratie et, quand il y a des critiques, dire qu'il y en a trop. » Hier, les journaux de Dakar étaient sévères avec les propos du président sur la colonisation, lui reprochant de vouloir « faire la leçon » aux Africains.

Sarkozy a enfoncé le clou : « La corruption, les dictateurs, les génocides, ce n'est pas la colonisation. On ne peut pas tout mettre sur le compte de la colonisation. » Il a, au passage, récusé le terme de « pré carré » français en Afrique. « Un concept anachronique, qui renvoie à un paternalisme que je rejette », a-t-il martelé, en ne s'offusquant pas des concurrences américaines et chinoises dans cette partie de l'Afrique noire.

Avant de regagner Paris, Nicolas Sarkozy s'est fait héliporter au coeur de la forêt équatoriale. « Je voulais mettre le focus sur cette question essentielle. Il ne faut pas laisser piller la forêt », a-t-il averti en annonçant que la France allait convertir une partie de la dette gabonaise (7 %, soit 50 millions d'euros) pour financer de projets de développement durable dans la forêt. Il en a profité pour rencontrer et rendre hommage à Jane Goodall, la grande spécialiste des primates, qui l'a initié au langage des chimpanzés.