Les Tournaisiens sont-ils toujours là ?

"Il se fait qu'en 1521, Charles-Quint conquiert Tournai et la réunit à ses Etats de par-deçà. Tournai perd son titre de cité royale. Les Français ont fini par oublier Tournai. (...)

Philippe-Auguste, le premier capétien assez puissant pour regarder vers l'est, vient à Tournai en 1187 et rattache à la couronne la ville et son territoire, le Tournaisis. Tournai devient cité royale.

Le roi de France avait compris que par sa position géographique, la ville, poste avancé du royaume, pouvait devenir un centre actif d'influence française.

En effet, la ville occupe une admirable situation. Elle commande le cours de l'Escaut, elle commande un carrefour de routes rayonnant vers le Hainaut, le Brabant, la Flandre, l'Artois. Elle représente une tête de pont idéale à la frontière du Royaume et de l'Empire. Enfin, au point de vue religieux, c'est une capitale d'évêché.

Les rois de France favorisent Tournai. Celle-ci devient une ville riche et puissante, une ruche industrielle et commerciale aussi importante que Gand, le siège d'une foire célèbre où sont convoquées, chaque année, 36 bonnes villes. Foyer d'art aussi et de premier ordre et foyer d'art français. Tournai devient un centre, sans pareil, d'influence française.

Les Tournaisiens secondèrent admirablement leur seigneur, le roi. Leur fidélité ne se démentit jamais. Aussi, au XIVe sièlce, le souverain leur accorda-t-il un privilège insigne, celui dit de la Chambre du Roi, privilège qui ne fut octroyé à aucune autre ville du royaume. Quand le roi entrait en campagne, la milice de Tournai formait sa garde et veillait sur sa personne.

Le roi de France dort. Qui le garde ?
Les Tournaisiens sont là.

dit une chanson tournaisienne.

Au temps du roi de Bourges, au moment où la France agonisait, les Tournaisiens - bien qu'entourés de toutes parts par les Bourguignons - demeurèrent fidèles aux fleurs de lis. Ils crurent parmi les premiers à la mission de Jeanne d'Arc, et vécurent l'épopée de la résurrection du pays et de sa délivrance. C'est à juste titre que, dans une lettre célèbre, la Pucelle qualifie de "loyaux Franchois" ses bons amis de Tournai. Lorsque Jeanne fut faite prisonnière et abandonnée de tous, les Tournaisiens lui firent parvenir des secours où ils purent et procurèrent à la pauvre fille ses dernières joies.

Aujourd'hui, parmi les cathédrales de Belgique, celle de Tournai passe à juste titre pur la plus grandiose et la plus émouvante aussi, et c'est une cathédrale française."

Félix Rousseau, Les Wallons et l'Histoire, in La Wallonie et l'esprit de notre temps, actes du deuxième Congrès culturel wallon, Liège, 14-16 octobre 1955.

Au XXIe siècle, pourra-t-on dire des Tournaisiens qu'ils sont là, fidèles au poste, lorsque les événements décisifs se produiront, qui permettront notre Retour à la France ? Je l'espère !