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| Etat formel, état réel : un exemple, la Belgique | |
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François Barberis Modérateur
Nombre de messages : 300 Age : 81 Localisation : Montpellier Langue : français Emploi/loisirs : Economiste, Géopolitologue, conférencier Date d'inscription : 24/11/2009
| Sujet: Etat formel, état réel : un exemple, la Belgique Mer 18 Mai 2011, 10:55 am | |
| « Ce n’est pas qu’une crise politique, c’est une crise de l’Etat, une crise profonde » (déclaration du Sénateur Delpérée, à la RTBF, le 17 mai 2011, reprise d'un article du quotidien Le Soir)
C'est bien en effet une crise de l'état à laquelle on assiste en territoire belge, et non à une simple crise politique (style 4ème république en France entre les années 1945-1958) et c'est ce qui donne toute son importance aux événements de ce pays. C'est la raison pour laquelle un jour ou l'autre, vraisemblablement à brève échéance, la crise actuelle ne pourra plus être circonscrite au seul territoire belge et prendra une dimension internationale, car par définition l'état est conçu autant pour régler des questions intérieures aux frontières d'un pays, que pour assurer la représentation et le rôle international du dit pays. Lorsqu'un état est en crise, l'issue est toujours l'éclatement de cet état, sauf processus révolutionnaire interne qui va substituer un nouvel état à un état défaillant.
Or il n'y a pas de processus révolutionnaire en germination sur le plateau belge (alors qu'il y a peut-être un tel processus en gestation en Grèce, par exemple, ce qui rend la situation de ce pays particulièrement dangereuse pour l'Europe, mais ceci est une autre question). Donc il est assez aisé de poser le pronostic de l'éclatement de l'état, ou plutôt de son délitement en raison de l'existence de fortifications politiques qui enserrent l'état belge et empèchent pour l'heure son éclatement. Mais ce n'est qu'un sursis.
Au XiXème siècle, les crises d'état se résolvaient immanquablement par l'intervention étrangère, celle des puissances riveraines, car aucun état ne peut survivre en ayant à ses frontières un espace non conduit et non organisé. Ce qui permet à la Belgique, déjà résiduelle, de continuer néanmoins d'exister de manière formelle, c'est que celle-ci s'est enfermée dans une série de fortifications qui ont agi comme autant de corsets pour éviter que cette crise de l'état ne jaillisse à l'extérieur, mais qui en revanche ont fait de cet état un état formel, un état sans épaisseur.
J'ai déjà parlé dans un autre fil de ces fortifications : d'abord l'Organisation du Traité de l\'Atlantique Nord qui a réduit une première fois le champ régalien du pouvoir belge en mettant toute la politique de sécurité extérieure sous contrôle étranger; puis l'UE, qui a opéré le même transfert de souveraineté pour tout ce qui est de la politique et des relations extérieures, mais aussi du droit public intérieur; et enfin la zone Euro, pour ce qui est de la politique monétaire et donc de la politique de financement de l'état.
Sans ces trois fortifications, la crise de l'état belge aurait déjà créé une grave instabilité au centre de l'Europe, instabilité inacceptable et donc initiatrice d'interventions extérieures.
Tant que ces fortifications résisteront, on peut penser que les effets de la la crise de l'état belge resteront circonscrits aux seuls habitants de ce pays et qu'il n'y aura que des incidences marginales sur les pays riverains. La question est de savoir si ces fortifications résisteront, de quelle manière leurs nécessaires évolutions impacteront la crise de cet état, et que se passera-t-il alors.
Le constat que l'on peut faire est que ces fortifications sont actuellement remises en question. La, perte de puissance des États-Unis d\'Amérique entraîne la remise en question de la fortification Organisation du Traité de l\'Atlantique Nord; la crise du dollar et les pressions sur l'€ déstabilisent la zone € en le poussant à des sommets alors que l'économie de la zone € exigerait une monnaie pilotée à la baisse. Quant à la construction de l'UE, celle-ci voit sa dynamique largement s'essouffler. Or qui n'avance pas recule.
Que seront ces fortifications dans 5 ans, dans 10 ans ? Lorsqu'on lit les prospectives de certains sites spécialisés comme LEAP 2000 ou Dedefensa.org, on peut douter sérieusement de leur pérennité. LEAP prévoit une crise majeure du ''système américaniste-occidentalise''... pour le mois de septembre 2011. Les grandes puissances s'en sortiront plus ou moins bien, mais qu'en sera-t-il pour des petits pays comme les états belges, qui dépendent totalement pour leur vie publique, sociétale et politique de la pérennité de ces fortifications? Ce n'est pas faire injure à ces pays de dire que l'on peut douter de leur survie, du moins si l'on conçoit cette survie comme un simple prolongement de leur situation actuelle. D'où l'urgence pour les responsables politiques, les ''élites'' pour rependre l'expression de Jacques Lenain, de concevoir et de préparer des solutions alternatives. J'ai tout lieu de penser qu'en fait ces solutions existent parfaitement dans leurs plans de sortie de crise, mais que les responsables politiques ne souhaitent pas les dévoiler, peut-être parce qu'ils jugent que leur opinion politique n'est pas prête à les recevoir, effet sans doute de plusieurs décennies de propagande visant à accréditer le fait que l'état belge était bien une réalité. Nous savons aujourd'hui que cela n'est pas vrai.
Il est assez facile de dater le moment où la crise intérieure belge, de crise politique, est devenue crise de l'état. Cela s'est passé au moment où les partis politiques eux-mêmes ont été confinés dans des représentations régionales : les partis flamands en Flandre; les partis francophones en Wallonie, avec une situation intermédiaire à Bruxelles.
Dès ce moment, les partis politiques cessant d'être des partis d'état, l'état lui-même se mettait en situation de crise, puisque par définition le rôle des partis politiques est d'inspirer et de conduire la politique de l'état. En s'interdisant d'être présent et représenté dans l'autre région, chaque parti politique s'interdisait de fait de pouvoir conduire l'état, sauf en imposant à l'autre bord sa propre vision non partagée de l'avenir, c'est-à-dire une vision relevant nécessairement de la théorie de l'apartheid.
L'internationalisation de la crise de l'état belge est donc le scénario le plus probable; et c'est ce moment qu'attendent les chancelleries françaises, allemandes et néerlandaises pour intervenir et élaborer une solution pour éviter le phase finale de délitement, ce qu'elles redoutent le plus.
La déclaration du sénateur Delpérée est donc de première importance. Il faut espérer que cette réalité de la crise de l'état s'impose le plus rapidement possible dans les diverses opinions publiques locales. Il en va de l'avenir des populations concernées. | |
| | | AgatheN Modératrice
Nombre de messages : 87 Age : 46 Localisation : Bruxelles occupée - département de la Dyle Langue : français Emploi/loisirs : politique réunioniste Date d'inscription : 22/02/2009
| Sujet: Re: Etat formel, état réel : un exemple, la Belgique Lun 23 Mai 2011, 2:21 pm | |
| Merci François pour vos analyses éclairantes ! Je rejoins en partie la réponse qu'Ulmo avait écrite sur Bruxelles-francophone. Des fortifications internes s'ajoutent aux fortifications externes que vous citez (Organisation des Nations unies, Organisation du Traité de l\'Atlantique Nord, euro) :
- la volonté des francophones de rester belge avant tout Cette volonté diminue au fur et à mesure que les "négociations" s'enlisent et à chaque provocation flamande, à en croire ce qui s'écrit sur les fora des quotidiens. Mais entre se résoudre bon gré mal gré à la scission du pays puis à un rapprochement avec la France et agir en ce sens, il y a de la marge. Le Belge n'a pas pour tradition de descendre dans la rue et de se manifester bruyamment, or c'est indispensable pour l'internationalisation du problème. Les Francophones doivent montrer qu'ils ne sont pas d'accord, mais comment les amener à bouger ?!
- les politiciens, francophones aussi, de profiter de la rente belge (particratie, népotisme, multiplication des portefeuilles ministériels, etc.. Hélàs, excepté le FDF, les autres partis semblent plus s'inquiéter de la manière de faire passer dans l'opinion un mauvais accord comme un bon, plutôt que de défendre réellement nos intérêts. A noter la déplorable sortie de Joëlle Milquet qui dit maintenant être contre la fédération Wallonie-Bruxelles "parce que c'est nuisible à l'entente communautaire, parce que les Flamands l'ont mal pris". Avec une parfaite mauvaise foi, elle dit qu'elle était contre mais qu'elle a fini par l'accepter "pour faire plaisir au MR qui pleurait tout seul dans son coin". Une autre sortie du même style à propos de la fusion des communes de la région bruxelloise, où elle s'aligne sur les positions de son grand frère CD&V.
Mais aussi et surtout, la volonté de la Flandre de flamandiser l'Etat Belge. On l'a vu, avec la flamandisation de l'armée, de l'administration, de la SNCB, de la poste et de tout ce qui compte dans ce "pays": tant qu'il n'y aura pas d'opposition digne de ce nom côté francophone, la Flandre continuera. La Voka annonce déjà qu'elle installera son siège social à Bruxelles en 2012 et compte renforcer encore la présence flamande dans la vie économique bruxelloise, être encore plus stricte sur les lois du bilinguisme !!
A ces constats peu réjouissants, je dois en ajouter un autre : l'influence non négligeable du Palais sur la vie politique. La lecture du livre "Belgique, un roi sans pays" de Martin Buxant et Steve Samyn confirme nos pires soupçons sur l'influence du chef de cabinet Van Ypersele (immonde créature CD&V mâtinée d'Opus déi) qui se cache derrière un vieux roi sénile. - en 1999, le Palais a tout fait pour maintenir la famille chrétienne au pouvoir malgré leurs résultats lamentables aux élections: il a échoué car une majorité arc-en-ciel (libérale - socialiste - écolo) a vu le jour - le Palais désigne les informateurs, formateurs, explorateurs et cie en cas de crise et consulte des Ministres d'état. La famille chrétienne est surreprésentée : depuis 2007, on a eu Dehaene en "médiateur", Van Rompuy en "explorateur", un duo avec un MR et un CD&V, Leterme en formateur; en 2010, à nouveau Dehaene pour négocier BHV avec le résultat que l'on sait, puis récemment Wouter Beke qui est resté 2 mois malgré l'absence de résultats ... Dans l'autre sens, le Palais ne consulte JAMAIS le FDF : ni Antoinette Spaak comme Ministre d'état, ni Olivier Maingain comme président (le programme est sans doute trop laïc et républicain) Le FDF ne peut donc exercer son influence qu'indirectement, en entraînant les autres partis à suivre sa ligne communautaire. - le Palais veut forcer un accord communautaire pour la survie du pays, y compris si cet accord devait être totalement déséquilibré et la voie royale vers une Belgique flamande (c'est d'ailleurs le programme du CD&V !): refus de la 1ère démission de Di Rupo comme préformateur, refus de consulter les libéraux pendant 7 mois, refus de la 1ère démission de Vande Lanotte, refus catégorique d'organiser de nouvelles élections !! Pendant le cirque en -eur, les dotations royales continuent à tomber !
Bien entendu, les politiques peuvent parfaitement se mettre d'accord pour réduire les pouvoirs du roi à une monarchie protocolaire à la scandinave, mais ils craignent le Palais avec ce Van Ypersele et les réseaux obscurs de la noblesse qui tournent autour (noblesse aussi surreprésentée dans la vie économique !). Il suffit de remarquer à quel point tous coupent court aux questions en répondant "nous attendons une décision du souverain", "le chef de l'état a la main" alors que le roi est quand même censé aller dans le sens de la politique en cours et pas court-circuiter les résultats électoraux !!
A mon avis, cet obstacle-là est le plus redoutable car comment s'en débarrasser (on n'est plus au temps de la guillotine et d'ailleurs il n'y a pas de volontaires pour ça !) ?!
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