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| Sejnane, le Munich de la Tunisie "libérée" | |
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Stans Fondateur
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| Sujet: Sejnane, le Munich de la Tunisie "libérée" Lun 25 Juin 2012, 1:18 pm | |
| Source : http://www.liberation.fr/monde/01012383067-a-sejnane-laisse-aux-mains-des-salafistes
A Sejnane, laissé aux mains des salafistes
13 janvier 2012 à 00:00
Dans cette ville isolée, de jeunes extrémistes ont décidé de faire appliquer la charia. Par ELODIE AUFFRAY (à Sejnane)
La bourgade de 5 000 habitants se cache dans les belles collines verdoyantes du nord-ouest de la Tunisie. Il faut rouler deux heures trente pour gagner Sejnane depuis la capitale. Le 4 janvier, émoi à Tunis : «Sejnane, le premier émirat salafiste en Tunisie», alarme en une le quotidien arabophone le Maghreb. Le journal relate que la petite ville est aux mains d’un groupe de jeunes salafistes, qui auraient installé un tribunal et une prison pour punir les actes contraires à la charia.
«Sejnane est à eux», pleure un infirmier, Ali Malaoui. Samedi, il a raconté à une délégation de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) avoir été présenté le 31 décembre au «tribunal» en question, installé selon lui dans le local du club de foot. Il y aurait subi un «interrogatoire musclé» de quatre-vingt-dix minutes. «Ils m’ont relâché en menaçant de me tuer et de brûler ma maison si je continuais à révéler ce qu’ils faisaient.» Car, poursuit Ali, «j’avais porté secours à deux hommes, blessés à la tête à coups de sabre, parce qu’ils n’empêchaient pas leurs petits frères de boire. J’avais aussi écrit aux autorités pour leur demander d’intervenir». Les témoignages s’égrainent. Parce qu’il «boit du vin», Chiheb a été roué de coups, sa main fracassée. Des habitants disent être contraints à la prière. A la mosquée, les salafistes ont imposé leur imam, âgé d’à peine plus de 20 ans.
Coup de pied. Les salafistes en question seraient une quarantaine, tous jeunes, et ont commencé à agir il y a quelques mois. Ces dernières semaines, la situation a empiré. Direction les locaux de l’imada, sorte de mairie de quartier entièrement brûlée pendant la révolution. A l’intérieur, Zied et Karim miment leur mise à l’arrêt, une heure et demie durant, dans ce qu’ils appellent «la geôle». «Ils nous ont frappés parce qu’on boit de la bière», explique Karim. La présence de la LTDH a rameuté de nombreux habitants devant le local. Tout à coup, mouvement de panique. Un groupe de barbus déboule, le temps pour l’un d’eux d’asséner un violent coup de pied dans la caméra du correspondant de France 24, David Thomson. «Ils m’ont dit qu’il était interdit de filmer dans cette ville», témoigne-t-il. A la suite de l’attaque, des forces de sécurité sont dépêchées par le ministère de l’Intérieur. Quinze salafistes sont convoqués. «Nul n’est au-dessus de la loi et il n’est pas question de tolérer les abus», fera valoir le porte-parole du ministère, Hichem Meddeb.
Depuis la révolution, pourtant, la ville de Sejnane est livrée à elle-même. Les quatre agents locaux de la garde nationale ne font plus peur à personne. Le délégué (l’équivalent du sous-préfet) opère depuis Bizerte, la grande ville la plus proche. Son bureau est occupé depuis fin novembre par des dizaines de chômeurs qui réclament des usines et des postes dans l’administration. Plus de la moitié des habitants sont sans emploi, dont 800 diplômés du supérieur. Les participants au sit-in, parmi lesquels des salafistes, en sont persuadés : «Le phénomène salafiste est utilisé pour faire diversion par des gens qui ne veulent pas que des investisseurs s’installent ici», explique l’un d’eux, qui voit des partisans de l’ancien régime à la manœuvre.
«Assentiment».«On est trop fatigués», lâche Latifa Malaoui, coiffeuse pour dames dont le salon périclite. Conséquence de la crise économique et «des nouvelles boutiques ouvertes sans autorisation». Elle raconte «les vols, les problèmes d’alcool» qui se sont amplifiés cette année. «Les salafistes ont nettoyé la ville de ceux qui boivent et qui volent», se réjouit un habitant. «Ils aident les gens à avoir du gaz», renchérit un autre. «La bouteille de gaz est devenue hors de prix. C’est pour cela qu’on a gardé un camion de livraison», explique Abderraouf Malaoui, 24 ans, salafiste bon teint, le jean à la mode et la barbe courte, partisan d’un «islam strict» depuis 2010. Pour l’alcool, «quand on voit quelqu’un qui boit en pleine rue, on essaie de dire que ce n’est pas bien. Mais nous n’utilisons que la parole pour convaincre», défend-t-il. D’accord, quelques-uns se sont un peu emportés, mais ils avaient été provoqués. «Ce sont des bagarres entre jeunes», argue Abderraouf Malaoui.
«Le problème, c’est qu’ici, il n’y a pas de grand cheikh pour encadrer», estime le représentant d’Ennahda, Abid Saidani, qui soutient la version des salafistes. Les victimes des brutalités, selon lui ? Des anciens partisans de Ben Ali, qui chercheraient à nuire à Sejnane. Chiheb ? «Un drogué.» La geôle ? Un local devenu lieu de débauche après la chute du régime, que le nouveau maire a fait fermer «à la demande des habitants».
Après l’article du Maghreb, une manifestation a été organisée pour nier l’existence d’un émirat et rappeler le problème de l’emploi. Des vidéos ont été mises en ligne pour présenter la version des salafistes. Abdessatar ben Moussa, le président de la LTDH, prépare un rapport qu’il remettra au gouvernement. Il y écrira qu’«il n’y a pas d’émirat à Sejnane. Mais les salafistes y font la loi, tout le monde le reconnaît. Le problème, c’est que cela se passe avec l’assentiment d’une partie des habitants». | |
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