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 Réflexions turques sur le génocide arménien

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MessageSujet: Réflexions turques sur le génocide arménien   Réflexions turques sur le génocide arménien EmptyVen 11 Mai 2007, 1:12 pm

Source : http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=9801

Génocide arménien : « la décision de la déportation était une décision réfléchie »

Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous propose cette traduction d'un article paru en turc dans le journal Agos le 22 avril 2007. Fuat Dündar, chercheur et citoyen turc, a soutenu fin décembre à Paris une thèse intitulée :« L’ingénierie* ethnique du Comité Union et Progrès : la turcisation de l’Anatolie (1913-1918) ». Talin Sucuyan l’a interviewé pour Agos. Un travail intéressant malgré quelques « précautions oratoires ».

Citation :
Dündar : « Le Comité Union et Progrès a exercé méthodiquement l’ingénierie pour re-concevoir la cartographie ethnique en Anatolie. »

Fuat Dündar a étudié les télégrammes chiffrés d’Union et Progrès et il conclut qu’entre 1913 et 1919, le Comité avait pratiqué une politique « d’ingénierie ethnique ». Ceux qui ont le plus souffert de cette politique, sont les Arméniens. Dündar dit : « Les conséquences de la déportation était connues d’avance, c’est une décision prise en connaissance de cause ».

Q – Vous avez préparé votre thèse de doctorat sur la politique pratiquée par le Comité Union et Progrès pour réorganiser les habitations des diverses ethnies entre 1913 et 1918. Que voulez-vous dire par « ethnicité systématique » ? Parlez-vous du programme de déplacement de tous les peuples non Turcs ?
F.Dündar : En vérité, les Turcs ont également été déplacés. Ici la politique visée était de créer une population où l’identité turque devait dominer. C’est une véritable ingénierie méthodique. Le rôle des Turcs était de turquiser. Dans le cadre de cette politique d’urbanisation, les Kurdes, les Arabes, les Bosniaques, les Géorgiens, les Albanais, les Gitanes, les Tcherkesses, les Lazes, les Arméniens, les Grecs, les Juifs, les Assyriens, les Nasturiens et les Bulgares changent d’emplacement.

Q - C’était systématique ?
F.Dündar : Oui, à la fois systématique et chronologique. En 1913 ce sont les Bulgares qui sont visés. Les territoires frontaliers en Grèce actuelle étaient habités par les Bulgares. Ils étaient près d’Istanbul et l’armée bulgare était forte. 50 milles Bulgares sont renvoyés. A leur place 50 milles Turcs Musulmans sont placés. Ensuite des politiques visant les Grecs. C’est Halil Mentese qui avoue cet ordre : « Après les Bulgares c’était le tour des Grecs ». Les décisions concernant les Grecs ne sont pas mises en oeuvre car le 20 Octobre 1914 un accord est signé avec l’Allemagne, - contenant également une aide financière -. Les Grecs sont envoyés plus tard vers les territoires intérieurs en tant qu’élément de menace. Vers la fin 1914 on trouve les immigrés à Zeytoun. Les Arméniens sont déportés et aussitôt les immigrés musulmans y sont installés. Le but recherché est de créer une patrie sûre. En 1915 les Arméniens sont renvoyés de cette région. En 1916 les travaux concernant les Kurdes commencent. La direction dédiée à la ré-installation des populations est réorganisée. Des commissions spécialisées sont créées. Juste à ce moment là, les Kurdes fuient la Russie.

Q – Pourquoi fuyaient- ils ?
F.Dündar : Ce sont des Kurdes, alliés des Ottomans. Les Russes désirent leur départ. La Russie veut se débarrasser d’eux mais pas en les tuant…En 1917 les Juifs de Palestine sont visés. Tous ces événements sont les étapes chronologiques de la politique globale des Unionistes, on peut en conclure que c’était systématique.

Q- Combien de pesonnes sont-elles déplacées ?
F.Dündar : Vous savez que Murat Bardakci délivre le contenu du « Cahier de Talat Pacha » petit à petit après l’avoir gardé pendant 20 ans. S’il l’avait dévoilé plus tôt on serait plus avancé dans les recherches. Je pense que les informations venant de ce cahier, concernent la période après 1915. Rien que d’après « le cahier de Talat Pacha » 80% des 1.5 million d’Arméniens sont déportés. 1.2 million de Musulmans, dont 1 million de Kurdes fuyant l’armée Russe et 200 milles Turcs, devaient être placés. Les Turcs sont implantés dans les régions vidées d’Arméniens et les Kurdes sont placés dans les régions des Turcs. A l’époque l’Anatolie compte 12 millions de personnes. Un tiers de cette population est déplacée.

Q- Quelles sont vos sources ?
F.Dündar : Ma thèse se base sur les télégrammes chiffrés. J’ai essayé d’analyser les propres documents du gouvernement Unioniste. Pas les décisions prises lors des Congrès, car on peut prendre des décisions sans pour autant les appliquer. J’ai étudié les justificatifs des opérations de mise en œuvre. On comprend la politique du gouvernement Unioniste en se basant sur ces documents.

Q- Que signifie « télégramme chiffré » ?
F.Dündar : Il s’agit des télégrammes qui transmettent les ordres de l’Etat central aux provinces.
Ils sont codés avec une clé et à l’arrivée des personnes connaissant ces clés déchiffrent les messages. Les officiers connaissant ces clés sont très limités et les clés changent tous les trois mois.
Nous arrivons à lire car Talat Pacha les écrit en clair, l’officier des télégrammes les code en utilisant la clé du jour. Ces documents se trouvent dans les archives ottomanes en clair. Tous ceux qui lisent l’ottoman, peuvent les consulter. Seulement cela ne signifie pas que tous les télégrammes de l’époque se trouvent dans les archives. Les archives sont ouvertes au public mais elles ne contiennent pas tout.
Le fait que « l’ingénierie ethnique » est mise en œuvre à l’aide des télégrammes est très significatif. Durant une période de cinq ans la cartographie de la population est complètement modifiée. Il n’y a pas d’autre exemple semblable sur terre.

Q- Comment est-ce que le territoire est délimité ?
F.Dündar : Les Unionistes avaient ciblé l’Anatolie. Les régions où les Arméniens sont envoyés sont dans les limites du territoire ottoman mais hors du projet d’un Etat futur. Cela veut dire que les Arméniens étaient exclus du projet d’avenir. Les Kurdes en font partie. Par exemple : Talat Pacha s’oppose à la proposition qui voulait installer les Kurdes dans la région d’Alep. Il veut qu’ils soient installés à l’intérieur des frontières de la Turquie actuelle. Car dans ces régions les musulmans sont minoritaires. Afin d’optimiser l’utilisation des ressources disponibles…

Q – Vous utilisez un jargon technique…
F.Dündar : C’est le langage des documents ; froid et distant. Talat Pacha, auteur de ces documents, est un avocat. Il est cultivé, il parle plusieurs langues. Il connaît la différence entre le langage diplomatique et le langage de télégrammes chiffrés. C’est un vrai homme d’Etat.

Q – Dans votre livre vous dites que le but recherché était de « mélanger », lorsque la « dissolution » n’était pas possible ils faisaient appel au « nettoyage ». Qui sont ceux qui ont été « mélangés » et ceux qui ont été « nettoyés ».
F.Dündar : Les Kurdes sont mélangés. Concernant les Arméniens : en prenant compte de ceux qui sont islamisés et les enfants saisis, 40% des Arméniens sont en vie. Si on les déduit aussi, les deux tiers des Arméniens ont disparu. « Nettoyage » ne signifie pas forcément « éliminer ». Lorsqu’on regarde l’exemple des Arméniens ; même ceux qui sont laissés en vie sont coupés de leurs racines, de la terre. Par exemple il y a un plafond de 5%. Les Arméniens ne pouvaient pas dépasser 5% de la population musulmane dans les localités où ils étaient tolérés. Même ce 5% est réglementé. Par exemple dans une famille un fils ayant plus de 15 ans était considéré comme une famille de plus. Il y a aussi les fidèles… les policiers, les soldats etc…

Q- Est-ce que les Arméniens sont intégrés dans l’armée durant les déportations ?
F .Dündar : Oui. Même à Der Zor. En 1916 et en 1917.

Q- Vos sources ?
F.Dündar : Il existe des télégrammes sur ce sujet.

Q- Est-ce qu’ils vont à l’armée ?
F.Dündar : Je ne sais pas mais le gouvernement l’ordonne. A condition qu’ils soient utilisés comme main d’œuvre sans qu’on ne leur donne d’armes…

Q- Vous dites que le Comité Union et Progrès a mis en œuvre les travaux de re-emménagement minutieusement. Sur quelle structure d’organisation s’est-il basé ?
F.Dündar : Il s’agit de l’Etat. Il y a des registres de recensement. Chaque institution a un bureau de statistiques. En 1915 il y a même des cartes de villages, préparées selon les principes de « millet », d’origine ethnique. Il y a aussi des officiers qui ne veulent pas obéir à la logique unioniste. On les licencie sous prétexte qu’ils protégeaient les Arméniens.

Q- Est-ce que ces télégrammes contenaient de la propagande visant à convaincre les officiers et à créer une organisation idéologique ?
F.Dündar : Les télégrammes contiennent des ordres. Mais dans un des télégrammes de Talat Pacha on trouve les arguments suivants « dorénavant les territoires ottomans sont des bataillons de guerre ». Bien évidemment 100% des ordres ne sont pas mis en œuvre. Les initiatives locales sont différentes. A Mossoul, le maire demande de retarder le déplacement des Kurdes vers l’Anatolie Ouest pour attendre des conditions climatiques plus favorables.

Q - Vous dites que les mouvements de population se suivaient tous les trois mois. Parlez-vous d’une organisation qui serait capable de faire un suivi aussi bon ?
F.Dündar : Oui. Les naissances et les décès sont pris en compte dans les calculs des populations et les mouvements sont ainsi suivis de très près. Ces tableaux ethnographiques sont communiqués au gouvernement central tous les trois mois.

Q – Vous dites qu’Union et Progrès avait oeuvré pour créer un Etat nation. Vu d’aujourd’hui, peut-on conclure la même chose ?
F.Dündar : Union et Progrès a confié à M.Kemal, un ensemble « convenable ». Mustafa Kemal n’avait pas besoin d’en faire plus…

Q- Mais ce n’était pas une population « homogène ». Que voulez-vous dire par « convenable » ?
F.Dündar - Au moins on peut parler d’une composition plus homogène qu’à l’époque des gouvernements précédents. Les revendications éventuelles des Kurdes et des Grecs étaient empêchées. Mais bien entendu, plus particulièrement pour les Arméniens c’était très important.

Q- Vous partez du principe que Ataturk allait de toute façon créer un Etat nation. N’y avait-il pas une autre éventualité ?
F.Fündar - Il s’agit de la continuité d’un état d’esprit. L’idée de créer un Etat en passant par l’assimilation des Kurdes, date de l’époque des Unionistes. Ziya Gökalp ne se contente pas de proposer l’assimilation des Kurdes, il développe des projets dans ce sens là (Nota CVAN : Ziya Gökalp est l’illustre théoricien du panturquisme. C’est lui qui a semé les graines du nationalisme actuel turc). En 1914, il réalise une étude basée sur une enquête contenant plus de 60 questions. Il y a des questions policières, sur les compositions ethniques des clans féodaux (achiret), sur les langues parlées, jusqu’aux points d’intérêts personnels des chefs féodaux et leurs faiblesses…

Q- Où les résultats sont-ils diffusés ?
F.Dündar – Le gouvernement Unioniste a envoyé les résultats aux officiers dans les régions peuplées de Kurdes. Ils sont dans les archives ottomanes. Ils seront édités.

Q- En 2005, lors d’une conférence qui a eu lieu à l’Université Bilai, vous aviez déclaré que la déportation n’avait pas eu lieu suite à une décision préméditée. Alors que maintenant vous dites que « la déportation était une décision dont les conséquences était connues d’avance.» Pouvez-vous nous expliquer la différence entre ces deux phrases.
F.Dündar - Si je me souviens bien ; j’avais dit que la politique unioniste ne visait pas à éliminer la totalité des Arméniens. Je ne reviens pas sur mes déclarations. Seulement la diminution du nombre de la population arménienne est la conséquence directe de la politique unioniste. De plus lors de cette conférence j’avais souligné le fait que je n’avais pas fait d’études précises sur les Arméniens. En fait lors de mes recherches j’ai pu constaté que l’Etat connaissait parfaitement Der Zor. Nous connaissons les paroles du gouverneur de Der Zor… De plus, en 1912, il fait préparer aux experts un rapport sur la région. Le rapport précise que la région n’est pas propice pour y installer des immigrés. Il est parfaitement connu que la population nomade (environs 60 000 personnes) de la région survit difficilement. Rien que ces informations officielles, entre les mains de l’Etat unioniste, nous prouvent que la décision même de la déportation était une décision réfléchie. Les conséquences étaient prévisibles… En conclusion on peut affirmer que la déportation des Arméniens est un crime contre l’humanité.

Q- Quelles sont les conditions de vie à Der Zor ?
F.Dündar : C’est du désert. Il existe même des cartes où la région est appelée « département de désert ». Il existe des discussions du Sénat de la session du 6 juillet 1914. Un parlementaire grec demande pourquoi les immigrés chassés des Balkans étaient installés dans les villages grecs. « Il y a plein de territoires vides dans le pays. Quelle est la raison de ces installations ? » Talât pacha répond de la façon suivante : « Oui, il y a plein de territoires vides dans le pays, mais si nous avions envoyé les musulmans dans les déserts, ils allaient tous mourir. »
Seulement 10 mois après, tout en connaissant ces conditions de vie, les Arméniens y sont envoyés…

© Traduction : S.C. pour le Collectif VAN (2007)

* Nota CVAN : L'ingénierie regroupe l'ensemble des aspects technologiques, économiques, financiers et humains relatifs à l'étude et à la réalisation d'un projet.
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